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L’Azerbaïdjan : Nouvel Acteur Diplomatique en Afrique

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Ilham Aliyev visitant la ville de Susha, dans la région du Haut-Karabakh, le 15 janvier 2021. © SPUTNIK/SIPA

Ilham Aliyev : Une Stratégie Géopolitique vers l’Afrique et la Revanche contre la France

Introduction : Une Influence Expansive et une Guerre d’Influence contre Paris
Comment un président autoritaire comme Ilham Aliyev a-t-il pu se tourner vers l’Afrique pour contrecarrer l’influence française ? Que signifie cette dynamique pour les relations diplomatiques entre l’Azerbaïdjan, la France et les pays africains ? À l’approche de la COP29, Aliyev semble déterminer à redéfinir son rôle sur la scène internationale, exploitant des tensions latentes entre la France et certaines nations africaines. Cette analyse explore les motivations profondes, les moyens utilisés et les implications d’un rapprochement inattendu avec des mouvements anti-français en Afrique.

Aliyev et la Politique de Rétorsion : Un Duel avec Emmanuel Macron
Depuis le soutien déclaré de la France à l’Arménie dans le conflit du Haut-Karabakh, Ilham Aliyev a intensifié ses efforts pour contrecarrer l’influence de Paris. Cette stratégie s’est traduite par un soutien visible aux leaders souverainistes africains, y compris des figures controversées comme Kemi Seba, un activiste vocalement opposé à la politique française en Afrique. À travers ce partenariat, Aliyev tente de promouvoir l’Azerbaïdjan comme un modèle alternatif, capable de s’imposer face aux puissances occidentales. Ce rapprochement n’est pas qu’un symbole diplomatique ; il marque un redéploiement géopolitique destiné à positionner Bakou comme un allié potentiel des États africains désireux de s’émanciper de l’influence française. Les critiques françaises, notamment de la part du président Emmanuel Macron, perçues par Aliyev comme une atteinte à sa légitimité, ont accentué ce duel. Ce conflit personnel entre les deux chefs d’État déteint aujourd’hui sur les relations de leurs nations avec l’Afrique, chaque camp cherchant à renforcer ses soutiens.

Impact sur la Politique Africaine : Un Soutien aux Mouvements Anti-Ouest
L’entrée de l’Azerbaïdjan sur la scène africaine a des répercussions significatives sur les politiques internes de certains pays africains. Dans des régions marquées par une montée du sentiment anti-occidental, le soutien d’Aliyev aux figures souverainistes contribue à raviver les tensions, notamment dans les anciennes colonies françaises. Par exemple, en République centrafricaine, où l’influence française diminue face à la présence accrue de la Russie, l’Azerbaïdjan peut espérer renforcer les coalitions anti-occidentales en s’appuyant sur des figures locales. L’influence d’Aliyev pourrait également amener certains gouvernements africains à privilégier une diplomatie moins alignée avec l’Occident, voire ouvertement hostile. Cependant, cette stratégie pourrait aussi susciter des tensions internes, les élites politiques africaines étant divisées entre le désir de renforcer leur indépendance et la nécessité de maintenir des relations stables avec l’Europe pour des raisons économiques et de sécurité.

Preuves et Alliances : La Diplomatie Azérie en Afrique
Aliyev a construit une stratégie diplomatique active, fondée sur des alliances et accords avec des nations africaines. À travers des initiatives telles que l’invitation de leaders africains aux conférences à Bakou, et des accords dans les domaines pétrolier et militaire, il cherche à ancrer l’Azerbaïdjan dans le tissu diplomatique et économique du continent. Ces initiatives contrastent cependant avec la réalité de la politique intérieure azérie, où Aliyev est régulièrement accusé de répression envers les journalistes et activistes par des organisations comme Human Rights Watch. Cet écart entre l’image de modernisateur et les pratiques autoritaires est d’autant plus frappant que l’Azerbaïdjan s’apprête à accueillir la COP29, un sommet théoriquement axé sur la protection de l’environnement, alors que 36 % de son PIB repose sur les hydrocarbures. Ce paradoxe rappelle le cas du Qatar, hôte de la précédente COP, qui tout en promouvant un discours écologique reste une économie dépendante des énergies fossiles.

Déploiement Stratégique en Outre-Mer : Nouvelle-Calédonie et Martinique au Cœur du Jeu
Aliyev ne limite pas son influence aux pays africains mais la déploie également dans les territoires d’outre-mer français. La Nouvelle-Calédonie, la Guyane, et la Martinique se trouvent au centre de sa stratégie. En soutenant des mouvements souverainistes et en dénonçant ce qu’il appelle le “néocolonialisme français”, Aliyev adopte un discours qui fait écho aux ressentiments locaux vis-à-vis de Paris. En juillet, Bakou a même accueilli des indépendantistes calédoniens, renforçant ainsi la perception d’un Azerbaïdjan comme allié des causes post-coloniales. En Martinique, l’Azerbaïdjan soutient les initiatives locales contre la vie chère, appuyant discrètement des manifestations tout en conservant un profil de médiateur bienveillant. Ce soutien ouvre la porte à un éventail de partenariats commerciaux et culturels visant à fragiliser la position française dans ses propres territoires.

Les Limites et Critiques de la Diplomatie Azérie
Bien que la “diplomatie du caviar” d’Aliyev gagne en influence, elle présente des limites notables. Ses alliances avec des figures controversées comme Kemi Seba pourraient aliéner certains gouvernements africains, particulièrement ceux qui tiennent à maintenir de bonnes relations avec l’Occident. La stratégie d’Aliyev, marquée par un pragmatisme autoritaire, pourrait être perçue comme une ingérence nuisible, surtout dans les pays où la société civile est déjà divisée. Si certaines élites politiques se montrent prêtes à explorer une relation avec l’Azerbaïdjan, elles risquent de s’aliéner leur base électorale ou d’être critiquées pour s’associer à un régime répressif. Cette approche limite donc l’attrait de la diplomatie azérie, car des leaders africains, attachés aux principes démocratiques et aux droits de l’homme, pourraient être réticents à s’engager trop ouvertement aux côtés d’Aliyev.

Comparaisons Internationales : Un Axe Azerbaïdjan-Turquie-Russie contre l’Occident
L’Azerbaïdjan, la Turquie d’Erdogan et la Russie de Poutine partagent un intérêt commun : contester la domination occidentale, et Aliyev a su capitaliser sur cette convergence idéologique. En août dernier, la visite de Poutine à Bakou a consolidé cet axe, redonnant à l’Azerbaïdjan une place stratégique dans le jeu diplomatique entre Moscou et Ankara. Ce rapprochement se traduit en Afrique par une diplomatie concertée, où chaque acteur apporte une contribution spécifique à l’affaiblissement de l’influence française. Tandis que Wagner agit sur le terrain pour défendre les intérêts russes, l’Azerbaïdjan utilise la diplomatie pour séduire les leaders africains. Ce jeu de pouvoir tripartite permet à Bakou de s’inscrire dans un réseau plus large, qui appuie l’idée de “souveraineté non alignée” contre les ingérences occidentales. Cet alignement soulève des questions sur la stabilité à long terme de cet axe : jusqu’où l’Azerbaïdjan peut-il soutenir une position si fortement ancrée dans le camp russe sans risquer un isolement diplomatique ?

Perspectives sur le Mouvement des Non-Alignés : L’Azerbaïdjan en Leader Émergent
Aliyev, en tant qu’ancien secrétaire général du Mouvement des Non-Alignés, vise à positionner l’Azerbaïdjan comme un leader potentiel pour les pays en développement. Ce mouvement, qui a historiquement rejeté la polarisation entre l’Est et l’Ouest, constitue un cadre idéal pour Aliyev afin de promouvoir l’autonomie des nations africaines et de soutenir leurs droits à une souveraineté accrue. En se présentant comme un acteur neutre et autonome, l’Azerbaïdjan capitalise sur l’idée d’un bloc non-aligné capable de défier l’influence des grandes puissances. Le rôle de Bakou dans ce mouvement, en soutenant des initiatives africaines pour une indépendance accrue, s’appuie également sur une symbolique forte : Aliyev incarne une forme de résistance à la domination occidentale, faisant écho aux idéaux du mouvement depuis ses débuts. Cela pourrait lui conférer une légitimité supplémentaire, en particulier auprès des États africains en quête de modèles de développement alternatifs.

Risques et Scénarios Futurs : Une Influence Durable ou Temporaire ?
Bien que la stratégie d’Aliyev en Afrique semble bien orchestrée, elle n’est pas exempte de risques. Le soutien de Bakou à des figures radicales telles que Kemi Seba est une arme à double tranchant. D’une part, cela attire l’attention des gouvernements critiques de la France, mais d’autre part, ces alliances pourraient se révéler volatiles si ces figures devenaient trop incontrôlables. Si les relations d’Aliyev avec les gouvernements africains venaient à se tendre, l’influence azérie pourrait rapidement s’effriter, particulièrement si d’autres nations non-alignées tentent de

suivre cet exemple en se tournant vers des figures différentes pour leur soutien. La question de la durabilité de cette influence demeure donc ouverte : l’Azerbaïdjan pourra-t-il maintenir cette présence en Afrique sans risquer une confrontation directe avec l’Occident ? Et que se passera-t-il si les alliés africains d’Aliyev décident d’exploiter ces partenariats dans leurs propres jeux de pouvoir régionaux ?

Conclusion : Une Influence Durable ou une Manœuvre Politique Passagère ?
Les implications de la stratégie d’Aliyev en Afrique et au-delà vont bien au-delà d’une simple revanche diplomatique contre Paris. Son alliance avec des régimes et des figures controversées pourrait bien redéfinir l’équilibre des puissances en Afrique, à mesure que l’influence française y est de plus en plus contestée. La question de savoir si cette politique se prolongera dans le temps dépendra de l’équilibre délicat entre les ambitions d’Aliyev, la réaction des puissances occidentales, et la volatilité des alliances en Afrique. Dans quelle mesure Aliyev pourra-t-il maintenir cette influence ? Et jusqu’où cette politique redessinera-t-elle les rapports de force entre l’Afrique et l’Occident ? Ce jeu d’influence complexe ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir des relations internationales, où les anciens paradigmes pourraient être définitivement remis en question.

© O Bulamba / Africa Daily Report

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