Résumé :
Les ministres des Affaires étrangères de la République Démocratique du Congo (RDC), du Rwanda, et de l’Angola se sont réunis à Luanda pour discuter des moyens de mettre fin au conflit à l’est de la RDC, avec un accent sur la neutralisation des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et le retrait des troupes rwandaises présentes sur le sol congolais. Bien que des progrès aient été réalisés, des désaccords subsistent quant à l’ordre de ces opérations. Une nouvelle réunion est prévue pour la fin octobre afin d’affiner un plan d’action militaire, mais les tensions restent élevées.
LUANDA – Les représentants de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda se sont retrouvés le 12 octobre à Luanda, capitale de l’Angola, pour discuter d’une résolution au conflit armé qui continue de ravager l’est de la RDC. Sous l’égide de l’Angola, qui joue un rôle de médiateur, les discussions ont marqué quelques avancées, mais les désaccords de longue date entre les deux pays n’ont pas encore trouvé de solution. C’est la cinquième réunion de ce type, et bien que certaines divergences soient surmontées, des questions cruciales demeurent non résolues.
L’objectif principal de ces pourparlers reste la mise en œuvre d’un plan de neutralisation des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé présent dans l’est de la RDC depuis 1994, formé par d’anciens responsables du génocide rwandais. En parallèle, la RDC appelle au retrait des troupes rwandaises, estimées entre 3 000 et 4 000 soldats, déployées sur son territoire, tandis que le Rwanda insiste sur la nécessité d’une progression satisfaisante contre les FDLR avant tout retrait militaire.
Un plan harmonisé, mais un calendrier contesté
Depuis fin août, les deux pays ont mandaté des experts pour élaborer un « plan harmonisé » qui prévoit à la fois la neutralisation des FDLR et le retrait progressif des troupes rwandaises. Cependant, malgré un accord sur le contenu du plan, les deux parties s’opposent sur la manière de mettre en œuvre ce calendrier. La RDC demande une action simultanée, c’est-à-dire que le retrait des forces rwandaises commence en même temps que les efforts de neutralisation des FDLR. Kigali, en revanche, reste ferme dans sa position : le retrait ne débutera qu’une fois des résultats concrets contre les FDLR observés et jugés satisfaisants par le gouvernement rwandais.
Cette impasse a été la cause principale des blocages lors des précédentes réunions, notamment celles du 14 septembre où un délai de cinq jours entre les deux opérations avait été proposé par les experts. Cependant, cette solution n’a pas suffi à surmonter les réticences des deux parties.
La médiation angolaise en première ligne
L’Angola, sous la direction du président João Lourenço, continue de jouer un rôle actif dans les efforts de médiation entre Kinshasa et Kigali. Le sommet du 12 octobre à Luanda a permis de mettre en lumière un compromis limité : les deux parties ont convenu de laisser la médiation angolaise élaborer un document détaillant les manœuvres militaires nécessaires à l’exécution du plan harmonisé. Ce « Concept d’opération » (Conops), attendu d’ici le 26 octobre, doit répondre aux préoccupations des deux camps, en particulier sur la séquence des actions.
Un officiel angolais impliqué dans les discussions a exprimé un certain optimisme, affirmant que « ce sont des petits pas, mais qui vont dans la bonne direction. » Néanmoins, cette déclaration reflète la prudence des parties prenantes face aux nombreux obstacles restant à surmonter.
Contexte international et tensions diplomatiques
Les pourparlers bilatéraux ont eu lieu peu après un incident diplomatique survenu lors du sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en France, début octobre. Les présidents Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda ont tous deux refusé de se rencontrer directement, malgré les tentatives de médiation du président français Emmanuel Macron. Lors de ce sommet, Macron a évité de mentionner le conflit à l’est de la RDC dans son discours d’ouverture, un oubli qui a profondément irrité le président congolais. Tshisekedi a écourté sa visite, quittant précipitamment les discussions en signe de protestation.
Ces tensions persistantes entre les deux pays compliquent davantage la médiation en cours. L’Angola, qui joue le rôle de facilitateur, tente de maintenir les négociations sur les rails. João Lourenço doit rencontrer Emmanuel Macron en France début novembre, une rencontre qui pourrait s’avérer cruciale pour débloquer la situation.
Les prochaines étapes : une réunion cruciale fin octobre
La prochaine étape importante des pourparlers est fixée au 30 octobre, date à laquelle les experts des trois pays, Angola, RDC, et Rwanda, doivent se réunir à Luanda pour étudier la proposition de Conops. Si un accord est trouvé à ce moment-là, les ministres des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe (Rwanda) et Thérèse Kayikwamba Wagner (RDC) devraient également se retrouver à nouveau sous la médiation angolaise pour finaliser les détails du plan harmonisé. Aucune date précise n’a été fixée pour cette nouvelle rencontre ministérielle.
Dans le meilleur des cas, si un accord sur le calendrier est trouvé, cela pourrait ouvrir la voie à une rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, une étape cruciale dans la résolution du conflit. Cependant, pour l’heure, cette perspective semble encore lointaine, les deux chefs d’État ayant refusé tout contact direct jusqu’à ce que des avancées concrètes aient été réalisées sur le terrain.
Le rôle de la communauté internationale
Le rôle de la communauté internationale dans cette crise reste ambivalent. Emmanuel Macron avait proposé d’agir en tant que médiateur dans le conflit, mais sa prudence lors du sommet de l’OIF a été perçue comme un manque de soutien clair pour la RDC, augmentant la méfiance entre les acteurs régionaux. Par ailleurs, les Nations Unies suivent de près la situation, en particulier à travers leurs missions d’observation sur le terrain, mais leur capacité d’influence reste limitée sans une initiative concertée de la part des dirigeants régionaux.
En conclusion : un chemin semé d’embûches
Les efforts de médiation menés à Luanda sont indéniablement cruciaux pour la paix dans la région des Grands Lacs. Cependant, la route vers un accord final entre la RDC et le Rwanda semble encore longue. Les désaccords sur le calendrier de retrait des troupes rwandaises et sur la neutralisation des FDLR montrent à quel point le processus est délicat. De petits progrès ont été réalisés, mais les deux pays doivent encore surmonter leurs méfiances mutuelles pour parvenir à une paix durable. La prochaine réunion d’octobre sera déterminante pour savoir si ces discussions peuvent véritablement changer la donne.
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