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NIGER : LE PRÉSIDENT BAZOUM DOIT REVOIR SA POLITIQUE

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Les forces militaires françaises quittent le Mali après neuf ans d\’intervention, sur fond de vives tensions entre Paris et Bamako. Pourtant, le porte-parole de l\’état-major français garantit que Barkhane n\’est pas un raté. Deux mille quatre cents hommes et l\’équipement de trois bases. Le retrait des troupes françaises du Mali, annoncé par le président français Emmanuel Macron le 17 février, poserait un problème logistique important. Partir oui, mais comment ? Et surtout, où aller ? Alors que la France réitère sa volonté de continuer à combattre les groupes terroristes armés au Sahel, l\’état-major des armées (EMA) de France assure que le redéploiement des effectifs n\’est pas sur la table. Il n\’a jamais été connu pour être un politicien discret. Mohamed Bazoum a toujours aimé persuader les gens dans les couloirs des hôtels ou des centres de conférence. Il est même arrivé à Mahamadou Issoufou, alors président du pays, de lui rappeler l\’importance du silence politique. L\’ancien professeur de philosophie est le même qu\’avant. Il estime que maintenant qu\’il est président, personne ne pourra contredire ses arguments.

Le Nigérien a accueilli le 25 février les \”cadres\” de la nation au centre de conférences Mahatma-Gandhi de Niamey. Élus, chefs religieux et officiers de l\’armée se précipitent au portail sur les coups de huit heures du matin. Certains enroulent leur foulard tricolore autour de leur cou, tandis que d\’autres passent un dernier coup de téléphone, car les téléphones portables ne sont pas autorisés à l\’intérieur. Les technophiles habillent la chose dans l\’amplitude du boubou. Mohamed Bazoum souhaite clarifier sa position. La France vient d\’annoncer la fin de l\’opération Barkhane au Mali. Le président Emmanuel Macron a commencé à discuter d\’un redéploiement, et le dirigeant nigérien a déclaré qu\’une partie des troupes (ainsi que celles de l\’opération Takuba) seront accueillies dans des bases situées le long de la frontière. Le Mali en fait partie.

Depuis, il est fustigé par les opposants qui l\’accusent d\’être devenu \”le vassal de Paris\”. Mohamed Bazoum montre ainsi l\’instruction pendant environ deux heures. Il reçoit des soutiens de tous les coins du globe. Nous ne pouvons pas nous priver de ce que nos partenaires ont. Evoquant les \”résultats\” de Barkhane, notamment l\’assassinat des chefs jihadistes Mokhtar Ben Mokhtar, Abou Walid al-Sahraoui et Abdelmalek Droukdel, le chef de l\’Etat appelle à un appui aérien et terrestre, qui devra être construit en concertation avec les Etats, en particulier les majors européennes et nigérianes. \”Si j\’avais plus d\’argent, j\’achèterais plus d\’hélicoptères  mais ce n\’est pas le cas.\” Donc, si je peux stationner 400 à 700 Européens à côté de mes 12 000 soldats, je dois le faire. Quand ce nouvel accord entrera-t-il en vigueur ? Avant que le dispositif ne soit soumis à l\’Assemblée nationale pour un vote de confiance, le gouvernement devrait passer au moins six mois à le mettre en place. Le retrait français du Mali prendra du temps, et des négociations seront nécessaires pour définir les sites des futures bases, les modalités de la force interarmées, les mécanismes de coopération…, explique une source sécuritaire. Cette coopération, ainsi que l\’implantation de bases dans la région de Tillabéri, doivent s\’accompagner d\’un renforcement matériel conséquent.

Mohamed Bazoum a officiellement lancé une initiative de 200 milliards de francs CFA (plus de 300 millions d\’euros) qui comprend l\’achat d\’avions, de drones et de véhicules blindés auprès des entreprises turques Turkish Aerospace Industries (Tusas), Baykar et Nurol, qu\’il a visitées le 11 mars. Bazoum n\’a pas à se soucier du vote de confiance car il a la majorité à l\’Assemblée, assure un député du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir). La pratique n\’est jamais anodine, prévient un haut responsable du président. Il peut y avoir beaucoup de désaccords. Cependant, ses adversaires et ses partisans pensent qu\’il est incompétent. Mohamed Bazoum n\’a pas à s\’inquiéter de la propagation d\’une attitude anti-occidentale au sein de l\’élite politique. S\’il prête attention à l\’opinion publique et aux réseaux sociaux, il remarquera qu\’aucun leader comme l\’imam Dicko au Mali n\’existe au Niger, selon l\’un de ses proches. Le véritable objectif du discours était les soldats nigériens. Mohamed Bazoum prend grand soin de contenir ses troupes et d\’éviter de succomber aux cris anti-occidentaux. Mais y avait-il un autre but en tête pour le discours du président ? L\’armée était la véritable cible, affirme un conseiller. Parce que l\’armée n\’est pas en mesure de faire face, nous ne pouvons véhiculer l\’idée que nous dépendons des Européens. Afin de réaffirmer sa « confiance » dans les forces armées, leur commandant suprême a mené le 25 février une opération de séduction, similaire à celle qui l\’avait déjà conduit à Baroua, dans une région du lac Tchad assiégée par l\’État islamique en Afrique de l\’Ouest.

Le président comprend que l\’armée doit être épargnée, car le mécontentement n\’est jamais loin, dit-on en se faufilant dans son entourage. Suite à la publication d\’un audit de l\’Inspection générale des armées sur les contrats du ministère de la Défense, certaines forces nigériennes sont prises d\’une rage sourde depuis un peu plus de deux ans. L\’enquête a révélé des dizaines de millions d\’euros de détournement de fonds. Les détournements ont tué des vies sur le terrain et privé l\’armée de fournitures indispensables. Il faut que les têtes tombent pour calmer le jeu, explique une source sécuritaire. Une enquête est actuellement en cours. Katambé frappa du poing contre la table et jura d\’agir. Les agents peuvent voir que rien n\’a été fait à ce sujet. Cependant, l\’Etat, qui s\’était un temps constitué partie civile, a choisi de se retirer, préférant traiter les opérateurs au cas par cas. Issoufou Katambé, le ministre qui s\’est rendu jusqu\’en Europe de l\’Est pour recueillir des preuves  de nombreux officiers comptaient sur lui pour nettoyer certains niveaux du ministère de la Défense n\’est plus en poste. Katambé avait tapé du poing sur la table et juré de passer à l\’action.  Un proche de l\’ancien ministre regrette que cela n\’ait pas été suivi, raconte l\’officier.

Alkassoum Indatou, baron du PNDS et proche des deux Mohamed Bazoum et Mahamadou Issoufou, ont pris la place de Issoufou Katambé. Les États sahéliens peuvent-ils faire face à la guerre asymétrique qu\’ils mènent depuis des années contre les islamistes ? C\’est une chose dont le président nigérien est convaincu. Voici quelques-unes des suggestions qu\’il formule. Le terrorisme actuel en zone sahélienne se caractérise par des structures organisationnelles étonnamment comparables à celles des insurgés latino-américains des années 1960 et 1970. Quand je lis les fiches d\’information sur l\’organisation de ces mouvements, je trouve une description de la réalité de Régis Debray et Che Guevara. Les bases terroristes sont en effet organisées autour du modèle des focus, comme l\’a esquissé Régis Debray. Cette approche, il convient de le noter, n\’a pas bien fonctionné dans les guerres des mouvements de libération nationale africains, ni dans les guerres de guérilla du début des années 1960 au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Niger. Dans un tel contexte, les États sahéliens doivent concevoir une stratégie militaire adaptée aux circonstances en employant des approches et des méthodes qui rendront la lutte aussi asymétrique que possible. C\’est ce que tente le Niger. Ces pays ont également besoin d\’une assistance plus ciblée de leurs alliés, axée sur l\’information, le soutien aérien et le renforcement des capacités de l\’armée.

En matière de renseignement, la plus grande bévue de nos partenaires a été leur manque de coopération dans la lutte contre le trafic d\’armes libyen, qui est le paramètre le plus critique, et celui qui explique la prédominance de ce terrorisme. Enfin, les pays du Sahel ont besoin de ressources financières exceptionnelles, ce qui nécessite de déroger aux règles de financement traditionnelles établies par le FMI « Cela a accru la méfiance de certains officiers envers le PNDS », estime une source au sein du grand silence. Les relations entre l\’armée et le parti sont tendues depuis l\’accession à la présidence de Mahamadou Issoufou en 2011. « Nous avons découvert une armée politisée affiliée au Mouvement national pour la société de développement [MNSD, ex-parti unique] tranchant un baron du PNDS. Elle était considérée comme une ennemie qui n\’avait jamais accordé un seul moment de tranquillité. En conséquence, le nouveau président a décidé d\’affecter un certain nombre de hauts fonctionnaires aux ambassades en Afrique du Nord et en Europe. Le gouvernement actuel et la dictature précédente s\’accusent mutuellement de politiser les forces militaires.  Aurions-nous dû les laisser en sachant qu\’ils étaient associés à nos adversaires politiques ? Pour nous, c\’était une question de survie, raconte un baron, citant le général Moumouni Bourema.

Suite au coup d\’Etat qui a renversé Mamadou Tandja en 2010, cet ancien directeur de cabinet a été nommé ambassadeur en Egypte. Il a été arrêté en 2021 pour incitation à la révolte et est actuellement emprisonné. En 2011, un membre du cabinet Issoufou insiste encore sur le fait qu’il y avait une nomenklatura à démanteler car elle était excessivement politisée. Cependant, plusieurs commandants ont accusé le PNDS de tenter de décapiter l\’armée pour y installer son propre système. Tant le gouvernement actuel que la précédente dictature s\’accusent mutuellement de politiser les forces militaires. La réalité est incontestablement que les deux l\’ont fait, conclut un politologue. Selon une source sécuritaire, Mohamed Bazoum s\’est rendu compte que le maintien du général Modi lui permettait pour marquer des points avec des officiers de l\’armée. Comme tout nouveau président, il est toujours en position de grâce, dit un autre interlocuteur. Mais cet arrangement va-t-il durer ? Il y a encore des éléments de colère envers l\’administration précédente.

Des officiers qui étaient auparavant hostiles aux manières de Mahamadou Issoufou poussent désormais à une pause, selon divers témoignages internes. Laissez l\’armée aux militaires, a exhorté l\’un d\’eux, et ne faites pas de nominations \”politiques\” et ne vous débarrassez pas des brebis galeuses. L\’armée veut être respectée et efficace, elle a donc besoin d\’outils pour le faire. Cela inclut, mais sans s\’y limiter, l\’équipement et l\’armement. On peut gagner des batailles mais pas la guerre si la lutte contre la corruption et l\’impunité n\’est pas intégrée, selon un leader de la société civile. L\’affaire de l\’audit de la Défense est une métaphore : l\’argent a été gagné alors que l\’équipement des soldats n\’était pas livré. Est-il possible que l\’armée laisse cela devenir la norme ? s\’interroge la même source.  Il faut que Bazoum montre qu\’il est différent, Il est unique, rétorque un de ses conseillers. Il a le même objectif de sécurité que Mahamadou Issoufou, mais sa méthode et son style sont très différents. Le 25 février, alors qu\’il vaquait à ses occupations pédagogiques, l\’ancien professeur a lancé un nouveau débat en laissant entendre qu\’un dialogue avec les djihadistes est déjà amorcé et de nombreux conseillers, dont le ministre de la Défense nationale, Rhissa Ag Boula, et, plus rarement, le conseiller Moustapha Ould Limam Chafi, travaillent très discrètement sur le sujet. Pour aider au processus, Mohamed Bazoum a déjà libéré des détenus. Il a déclaré : « Le résultat est là, et on sent une courte accalmie. » Plusieurs de ses collaborateurs ont exprimé leur inquiétude dès le lendemain car cette information n’était pas destinée à être rendu public , l\’un d’eux a exprimé des remords. Le Président, d\’un autre côté, ne semble pas pouvoir s\’arrêter de parler; c\’est dans sa nature. Espérons qu\’on n\’en vienne pas là.

© ERIC KUIKENDE, LEO NJO LEO NEWS

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