
Les cris de joie des femmes, dans un tonnerre de trompettes et de tirs de fusils de chasse, annoncent l’arrivée prochaine d’un important émir dans une immense procession de cavaliers. A Dutse, dans le nord du Nigeria, on a fêté la fin du ramadan lors de festivités hautes en couleur.
Inscrit début décembre sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, le Durbar est une parade équestre de l’émir Hameem Nuhu Sunusi, de la capitale de l’État de Jigawa (nord), Dutse, et de ses cavaliers, célébrant l’Aïd el-Fitr et l’Aïd el-Kebir.
Le 31 mars, les participants, trempés de sueur, ont dansé frénétiquement au rythme des tambours, tandis que les gardes royaux vêtus de leurs robes rouges et vertes encadraient l’émir, assis sur un étalon blanc, avec un parasol bleu pour se protéger du soleil brûlant d’Afrique de l’Ouest.
Le lendemain, les festivités marquant la fin de la période du ramadan se sont poursuivies, l’émir effectuant une tournée dans la ville pour rencontrer les habitants. Cet événement, originaire de Kano, se déroule depuis le XVe siècle dans plusieurs villes du nord.
« C’est un événement qui se produit principalement dans le nord du Nigeria. C’est une culture très riche et nous, en tant que dépositaires, nous nous efforçons de ne pas la laisser disparaître », a indiqué l’émir lors d’un entretien avec l’AFP.
– Tourisme –
« Le durbar est quelque chose que nous prenons vraiment au sérieux, car c’est l’une des choses dont nous sommes fiers. C’est quelque chose qui attire les touristes dans la partie nord du Nigeria et, comme chacun sait, de nombreux pays survivent grâce au tourisme », a-t-il ajouté.
Mais le riche patrimoine culturel du Nigeria est souvent éclipsé par les nombreux conflits armés déchirant le nord du pays le plus peuplé d’Afrique.
Majoritairement musulman, le nord du Nigeria est depuis des années sous la coupe de gangs criminels qui procèdent à des enlèvements massifs contre rançon, notamment dans des écoles, et à des pillages et tueries dans les villages
Le groupe Boko Haram et sa faction rivale, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) s’attaquent par ailleurs aux militaires, mais également régulièrement aux populations civiles.
Depuis le début de l’insurrection jihadiste en 2009 dans le nord et le centre du Nigeria, le conflit a fait plus de 40.000 morts et deux millions de déplacés dans le pays, et déclenché une grave crise humanitaire, selon l’ONU.
« Dans de nombreux endroits, quand on parle du Nigeria, ce sont des choses négatives qui viennent à l’esprit », a regretté l’émir, âgé de 46 ans. « Je pense que nous ne sommes pas jugés équitablement ».
Il espère que le Durbar changera la perception négative du Nigeria à l’étranger, et aidera à attirer plus de touristes qui pourront voir les « bonnes personnes, les gens amoureux de la paix, les personnes honnêtes » du nord du pays.
Et cette année, la ville de Dutse a volé la vedette à Kano, qui a annulé son Durbar pour la deuxième fois consécutive en raison d’un litige entre deux rois rivaux contestant le trône de l’émir.
Traditionnellement, des milliers de Nigérians, ainsi que quelques touristes étrangers, se rassemblent à Kano pour assister aux festivités et admirer les talents équestres, les tenues traditionnelles de l’émir et de son entourage, défilant dans les rues de la deuxième plus grande ville du pays.
Les dirigeants traditionnels du Nigeria n’ont aucun pouvoir constitutionnel mais ont un rôle culturel important, exerçant une influence cruciale pour les hommes politiques souhaitant être élus au gouvernement fédéral laïc du pays.
Le défilé de cette année s’est ainsi terminé avec le gouverneur Umar Namadi recevant l’émir et son entourage à l’extérieur de son bureau.
Assis à côté du gouverneur, l’émir Sunusi a reçu l’hommage de ses 26 chefs de district qui l’ont salué à tour de rôle.
Lors des festivités, chaque contingent dirigé par les chefs de district « a son propre système de décoration pour les chevaux et les cavaliers », a déclaré à l’AFP Wada Alhaji, le chef de cabinet de l’émir. Cela « montre la riche diversité au sein de l’émirat ».
Mais le Durbar n’est pas qu’un festival culturel, c’est aussi une occasion pour l’émir de présenter les doléances de son peuple au gouvernement.
L’émir a informé le gouverneur du fléau de l’érosion et des inondations affectant certaines zones, et a relayé l’appel des habitants au gouvernement pour accélérer les travaux d’un nouveau collège de formation de la police.
© Agence France-Presse