![DRCONGO-UNREST](https://africadailyreport.com/wp-content/uploads/2025/02/AFP__20250206__36XB7LN__v1__HighRes__DrcongoUnrest-scaled.jpg)
Goma, DR Congo – Devant les banques, les administrations… Les queues s’allongent à Goma, grande ville de l’est de la République démocratique du Congo, conquise par le groupe armé M23 et les troupes rwandaises au prix d’un violent assaut.
Tout l’appareil d’Etat congolais est en exil. Et plus d’une semaine après la bataille à Goma, le M23, qui a déjà établi une administration parallèle dans d’autres territoires sous son contrôle selon les experts de l’ONU, a procédé à des nominations mercredi.
La province du Nord-Kivu et sa capitale ont désormais deux gouverneurs, deux maires… L’embryon d’administration établi par le M23 est encore loin de répondre aux urgences du quotidien dans la ville meurtrie.
« On ne sait pas qui fait quoi. Si t’as un problème, tu iras voir quelle autorité? », interroge Prince, un habitant qui cherche à obtenir en vain un document de voyage.
Le poste-frontière avec le Rwanda voisin, accusé de vouloir annexer la région, est la première structure officielle à avoir rouvert. Des agents en civil y tamponnent les passeports, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Aucun service ne délivre toutefois de documents d’identité ou de voyage.
« Comment les enfants qui naissent vont obtenir les actes de naissance si la situation perdure? » s’inquiète Pélagie Masika, habitant du quartier Majengo.
Certains étudiants commencent tout juste à reprendre les cours, tandis que les écoles primaires et secondaires restent fermées.
« Il faut du temps pour rassurer les fonctionnaires », qui ne sont pas retournés dans leurs bureaux, explique un cadre du M23 sous couvert d’anonymat.
« On ne reçoit plus notre salaire et on ne sait pas si on va retravailler ou pas », s’inquiète Desange, agent de l’Etat qui ne donne pas son nom.
La pénurie de liquidités guette. Les derniers arrivés aux guichets automatiques repartent souvent bredouilles.
« A l’heure actuelle, il est difficile d’obtenir des francs à la banque », déplore Dieudonné Karibu, entrepreneur rencontré dans la file. « Et si vous trouvez des dollars, les changeurs vous feront un taux à 2.500 francs (environ 0,87 dollar) au lieu de 2.850 ».
Les agences bancaires ne peuvent ouvrir dans une zone sous contrôle d’un groupe armé anti-gouvernemental sans le feu vert de la Banque centrale située à Kinshasa, capitale du pays, selon une source sécuritaire.
– Fugitifs –
Aux feux rouges, les automobilistes font également preuve de patience. La circulation, autrefois chaotique, s’est assagie. Même les militaires du M23 marquent l’arrêt aux passages piétons dans leurs pickups blindés, donnant l’exemple.
Les policiers du « roulage », l’unité chargée de réguler la circulation mais réputée pour racketter les usagers pour des motifs incongrus, ont fui. Leurs casques jaunes caractéristiques ont disparu du décor.
« Les policiers inventaient des infractions et nous faisaient tomber pour nous interpeller », se souvient Sosthene Banyene, étudiant à l’Institut supérieur de commerce de Goma. « Maintenant, je peux rouler sans crainte ».
En l’absence de forces de l’ordre, la présence des redoutés miliciens du M23 dans les rues suffit pour l’heure à maintenir une relative sécurité.
« J’ai constaté un rétablissement de l’ordre, sans la présence de la police », s’étonne Jean de Dieu Kanze, travailleur humanitaire.
Des axes réputés mal famés sont redevenus plus ou moins fréquentables. Un chauffeur de taxi estime que les bandits sont soudainement « devenus des bons chrétiens ».
Leur ombre menaçante continue néanmoins de planer. La prison a été le théâtre d’une évasion massive. Les fugitifs « sont disséminés dans nos quartiers », s’inquiète Gloria Kassay, habitante du quartier Mabanga Sud, situé non loin de l’établissement désormais réduit en cendres.
Des criminels et des milliers de miliciens réputés pour leurs exactions sur la population civile se sont également dissimulés dans les zones périphériques avec leurs armes, selon de multiples sources concordantes.
Sur un rond-point du centre-ville de Goma, un officier du M23, mégaphone en main, tient un meeting improvisé suivi par quelques dizaines d’habitants. Il appelle les familles de soldats à dénoncer ceux qui n’ont pas déposé les armes.
« Nous ne sommes pas venus faire la chasse à l’homme, les FARDC (forces armées congolaises), ce sont nos frères, on se comprend ? » lance-t-il à un public inquiet.
Devant l’hôpital provincial, ce sont les parents des militaires et civils disparus qui espèrent vainement des nouvelles de leurs proches. Les combats en ville ont fait au moins 2.900 morts et des milliers de blessés.
A peine quelques centaines de corps ont été inhumés, faute d’espace et de moyens.
A la morgue, les corps s’entassent. Civils, militaires, miliciens tués dans les combats attendent aussi, enveloppés dans des sacs blancs, vus par l’AFP.
Jeudi, les leaders du M23 ont annoncé une série de mesures comme la fixation du taux de change, la prochaine réouverture des écoles, et le recrutement de policiers.
© Agence France-Presse