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RDC : Réforme constitutionnelle ou stratégie pour le maintien au pouvoir de Félix Tshisekedi ?

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Democratic Republic of Congo's President Felix Tshisekedi (R) arrives at Beijing Capital International Airport in Beijing on September 1, 2024, ahead of the Forum on China-Africa Cooperation (FOCAC) scheduled to be held on September 4-6. (Photo by TINGSHU WANG / POOL / AFP)

Democratic Republic of Congo’s President Felix Tshisekedi (R) arrives at Beijing Capital International Airport in Beijing on September 1, 2024, ahead of the Forum on China-Africa Cooperation (FOCAC) scheduled to be held on September 4-6. (Photo by TINGSHU WANG / POOL / AFP)

Questions centrales : Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) débat d’une possible révision constitutionnelle, des questions cruciales se posent. Le pays est-il prêt pour une telle transformation ? L’initiative du président Félix Tshisekedi est-elle une démarche sincère pour adapter la Constitution aux réalités nationales, ou cache-t-elle une tentative dissimulée de prolonger son pouvoir ? Cette question divise la société congolaise, soulevant des implications juridiques, politiques et sociales qui méritent une analyse approfondie.

Une initiative controversée : les défis politiques de la révision constitutionnelle

Malgré une solide majorité parlementaire acquise lors des élections de décembre 2023, le président Félix Tshisekedi fait face à une opposition tenace dans sa campagne pour réviser la Constitution de 2006. Il avance que cette Constitution, ratifiée en 2005 avec plus de 84 % d’appui populaire, aurait été « rédigée à l’étranger par des étrangers » et ne serait « pas adaptée aux réalités » de la RDC. Le 23 octobre, Tshisekedi a choisi Kisangani — un lieu symbolique où une partie de la Constitution de 2006 avait été initialement discutée — pour annoncer ses intentions, appelant à un examen par une commission d’experts. Selon ses partisans, la révision est essentielle pour corriger les « faiblesses » et simplifier les processus politiques. Cependant, les critiques suspectent un agenda caché visant à garantir un troisième mandat, soulevant des doutes sur les réelles intentions de Tshisekedi.

Limitations constitutionnelles et importance de l’article 220

La Constitution congolaise impose des limites strictes sur les réformes, notamment en ce qui concerne les mandats présidentiels et l’indépendance de la justice, comme précisé dans l’article 220. Cet article, perçu comme inviolable, consacre la forme républicaine de l’État, le suffrage universel, le gouvernement représentatif, et l’autonomie judiciaire — autant de principes non révisables. L’article interdit également l’extension de la limite de deux mandats pour le président. Les appels de Tshisekedi à une réforme font craindre qu’il ne viole ces garanties pour se maintenir au pouvoir, un geste condamné par des leaders de l’opposition comme Devos Kitoko du parti ECIDé et l’activiste Jean-Claude Katende de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho). Ces critiques mettent en garde contre ce qu’ils considèrent comme une manœuvre politique potentiellement déstabilisatrice.

Un contexte historique marqué par le conflit et le compromis

Promulguée en 2006 après des années de conflits civils, la Constitution de la RDC a marqué le début de la Troisième République et se voulait un document fondateur pour sécuriser la paix et favoriser la gouvernance démocratique. La révision de 2011, qui a introduit un scrutin présidentiel à un tour, a été perçue par certains comme un affaiblissement de la compétitivité électorale. Augustin Kabuya, secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Tshisekedi, soutient aujourd’hui que la Constitution a montré ses limites et qu’elle doit être réévaluée pour corriger ses lacunes. Lors d’un rassemblement en septembre, Kabuya a critiqué le mandat présidentiel de cinq ans, affirmant que les présidents n’ont en réalité que « trois années effectives au pouvoir ». Il a ajouté que « l’UDPS s’était opposée à cette Constitution en 2006 », promettant au peuple congolais qu’une fois au pouvoir, ils la réviseraient.

Dynamiques politiques et obstacles juridiques : la question de l’état de siège

Un autre obstacle juridique complique les efforts de réforme de Tshisekedi : l’état de siège déclaré au Nord-Kivu et en Ituri en 2021. La Constitution interdit toute modification pendant un état de guerre, d’urgence ou de siège, et Tshisekedi devrait lever cette mesure pour poursuivre ses réformes. Ce défi est renforcé par le scepticisme au sein de sa propre coalition, l’Union sacrée. Si les membres de l’UDPS défendent activement la révision constitutionnelle, d’autres figures de la coalition se montrent plus réservées, questionnant la nécessité et le moment choisi pour ces changements.

Critiques publiques et divisions internes au sein de l’UDPS

Au sein du parti au pouvoir, l’UDPS, les plans de Tshisekedi provoquent des divisions. Le secrétaire général Augustin Kabuya a été critiqué pour ce que certains considèrent comme une « gestion personnalisée et autoritaire », et les derniers mois ont vu une escalade du conflit interne au sein de l’UDPS. Une faction dirigée par des figures comme Eteni Longondo réclame un congrès extraordinaire pour réorganiser le parti. Les opposants de Kabuya l’accusent de s’écarter des principes fondamentaux du parti, tandis que d’autres craignent que la réforme ne marginalise toute dissidence interne.

Contexte régional et international : un reflet des tendances africaines

Le débat sur les limites constitutionnelles en RDC s’inscrit dans une tendance plus large en Afrique, où des leaders dans des pays comme le Burkina Faso et le Sénégal ont fait face à une opposition intense dans leurs tentatives de prolonger leurs mandats. Yvon Muya, auteur de La Révolution congolaise : Kabila, la rue et l’alternance, note que bien que Tshisekedi bénéficie d’un climat politique plus stable que son prédécesseur Joseph Kabila, le potentiel d’agitation reste important. Le contexte régional et historique de la RDC, y compris son soutien passé aux limites de mandat, reflète les enjeux élevés de toute tentative de modifier le cadre politique.

Conclusion : Un moment de décision pour la démocratie congolaise

Alors que Tshisekedi avance prudemment sur cette question sensible, une interrogation persiste : cette réforme est-elle un pas nécessaire pour moderniser une Constitution jugée de plus en plus obsolète, ou bien une tentative de consolidation du pouvoir ? La réponse de la société à cette question, combinée aux risques potentiels de résistance interne et régionale, déterminera probablement le succès ou l’échec de l’initiative de Tshisekedi. Le monde observe alors que la RDC approche d’une décision cruciale — Tshisekedi osera-t-il franchir le Rubicon constitutionnel, ou les limites de l’article 220 résisteront-elles ?

© Odon Bulamba / Africa Daily Report

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