Dakar, Sénégal – (AFP) – Le président français Emmanuel Macron a reconnu jeudi que les forces coloniales françaises avaient commis un “massacre” contre des tirailleurs africains en 1944 près de Dakar, a indiqué le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui a salué un “pas important” vers la vérité dans un entretien avec l’AFP.
“J’ai reçu aujourd’hui (jeudi) du président Emmanuel Macron une lettre dans laquelle il reconnaît que c’était un massacre, de façon très claire, sans ambiguïté sur les termes”, a dit M. Faye au palais présidentiel à Dakar trois jours avant des commmémorations auxquelles les nouvelles autorités sénégalaises entendent conférer un relief particulier.
“La France a reconnu ce massacre comme elle ne l’a jamais fait”, a-t-il dit.
L’approche du 80ème anniversaire des événements de Thiaroye a vu proliférer les griefs à l’encontre de l’ancienne puissance coloniale, les accusations de dissimulation de l’histoire et les demandes de reconnaissance.
L’ancien président français François Hollande avait parlé en 2012 et 2014 au Sénégal de “répression sanglante”.
M. Macron a invoqué les relations “d’amitié et de fraternité” entre les deux pays, et le devoir réciproque de “vérité et justice”, dans sa lettre dont l’AFP a consulté le contenu.
“Ainsi devons-nous regarder les événements survenus à Thiaroye le 1er décembre 1944. De ce point de vue, la France se doit de reconnaitre que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre”, a-t-il écrit.
Il dit “regretter” de ne pouvoir prendre part aux commémorations de dimanche où la France sera représentée par son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Il insiste sur la poursuite par la France de la coopération avec les historiens et les chercheurs sénégalais pour établir les faits.
De nombreuses zones d’ombre subsistent sur les circonstances de la tuerie, le nombre de morts ou la localisation des corps.
– “Pas de géants” –
Plus de 1.600 tirailleurs – d’anciens prisonniers de guerre des Allemands qui avaient participé aux combats de 1940 – avaient été rassemblés à Thiaroye fin 1944. Il ne s’agissait pas seulement de Sénégalais, mais d’hommes venus d’autres possessions françaises en Afrique.
Le 1er décembre 1944, deux semaines après leur arrivée dans le camp et alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs arriérés de soldes et diverses primes et indemnités de combat, les forces coloniales leur ont tiré dessus.
Les autorités françaises de l’époque avaient admis la mort d’au moins 35 personnes. Plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu’à plusieurs centaines.
Le président Faye a envisagé la possibilité d’une future demande d’excuses de la part de la France.
“Reconnaître qu’on a perpétué (perpétré) un massacre évidemment doit avoir comme incidence de s’amender. Sans être dans la surenchère, nous pensons que de façon naturelle, c’est ce qui doit suivre”, a-t-il dit.
Avec ces commémorations, les nouvelles autorités sénégalaises rompent avec les précédentes. Elles sortent “le Sénégal du silence coupable et complice, fermement imposé par la France aux régimes successifs”, dit l’historien et président du comité de commémoration Mamadou Diouf.
“Ces braves hommes ont été massacrés alors qu’ils étaient désarmés. Leur seul tort a été de réclamer des pécules comme il en avait le droit à l’image de leurs frères d’armes français”, a dit M. Faye.
“Ils n’ont pas reçu des pécules. Ils ont reçu des balles. Ce n’est pas parce qu’ils ont reçu des balles que ces pécules ne sont plus dus. Ils restent dus, à ces hommes de Thiaroye comme ils ont été payés à leurs frères d’armes français”, a t-il ajouté.
Il a salué le fait que, selon lui, “la France collabore parfaitement avec le comité envoyé (en France par le Sénégal) pour l’exploitation des archives qui n’ont pas été jusqu’ici ouvertes”.
“Nous sommes en train de faire des pas de géants dans la manifestation de la vérité quant aux circonstances de ce massacre”, a-t-il déclaré.
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