Le gouvernement sénégalais compte augmenter le revenu par tête de 50% en cinq ans, dans une première phase de transformation en profondeur d’un Etat trop dépendant de l’extérieur et de la dette, a-t-il annoncé lundi.
Six mois après leur avènement, le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko ont présenté pour la première fois un plan pour les cinq prochaines années inscrit dans une stratégie à 25 ans, à un mois des législatives anticipées du 17 novembre.
Cette stratégie est censée rompre avec ce que M. Sonko a appelé “le cercle vicieux de (la) dépendance et du sous-développement” et tenir la promesse de changement systémique qui a assuré à M. Faye une éclatante victoire à la présidentielle en mars, dix jours après sa sortie de prison et après trois années de tensions politiques et sociales.
Lors de leurs premiers mois au pouvoir, MM. Faye et Sonko ont été confrontés à une majorité parlementaire hostile, issue des élections de 2022. Le président a dissous l’Assemblée nationale en septembre, et entend gagner en novembre une majorité qui lui donnera les moyens d’agir.
Le plan “Sénégal 2050: agenda national de transformation”, supposé guider les politiques publiques, est “une vision pour un Sénégal qui n’aspire pas seulement à participer au monde de demain, mais à y jouer un rôle majeur, à être un acteur de premier plan dans la sous-région et un modèle de développement pour l’Afrique”, a dit M. Faye.
MM. Faye et Sonko ont pris la tête d’un pays dans une situation difficile.
Les Sénégalais continuent à partir par centaines à bord de pirogues à destination de l’Europe au péril de leur vie.
L’Agence nationale de la statistique a fait état en septembre d’un taux de chômage de 21,6% au deuxième trimestre, en hausse de 3% par rapport à la même période de 2023. Le Fonds monétaire international a prédit une croissance ralentie, malgré le début de l’exploitation du pétrole et du gaz.
M. Sonko disait fin septembre avoir trouvé les comptes dans un état plus “catastrophique” qu’il ne l’imaginait.
Il a dénoncé lundi les “ravages des mauvais choix, des mauvaises pratiques de nos élites gouvernantes depuis l’Indépendance” en 1960. Lui et M. Faye ont évoqué une pauvreté touchant quatre Sénégalais sur dix, un indice de développement humain parmi les 25 plus faibles au monde, une économie ne valorisant pas ses ressources naturelles, un secteur privé et une industrie sous-dimensionnés, une gouvernance “souvent inefficace plombée par la corruption”, selon les mots du Premier ministre.
“Ces choix généralement imposés ont non seulement limité notre potentiel de développement, mais aussi dépossédé le pays de la maîtrise de son destin”, a dit M. Faye.
– Vivre plus vieux –
“Sénégal 2050” doit faire du Sénégal une nation “souveraine, juste et prospère”, le mantra des nouveaux dirigeants.
Il remet en question la stratégie des grands travaux suivie par l’ancien pouvoir, et s’articule autour du développement de filières compétitives comme les industries extractives, et de moteurs de croissance comme l’agriculture et les services à valeur ajoutée, dont le numérique.
Huit grands pôles territoriaux doivent émerger, ainsi que des corridors routiers, ferroviaires et fluviaux. Le développement se veut durable et augmentera la part du solaire et de l’éolien.
Le plan mise sur le capital humain national et met en exergue l’éducation et la bonne gouvernance. “Nous combattrons durement la corruption”, a assuré M. Faye.
Le plan promet un système national d’assurance maladie, une identité numérique fiable pour tous, une réforme de la justice, des institutions et du foncier.
Six mois après, le nouveau gouvernement est accusé d’amateurisme par l’opposition, mais est globalement préservé des manifestations publiques d’insatisfaction.
D’ici à 2029, donc la fin du mandat de M. Faye, le Sénégal doit jeter les fondements de son nouveau modèle et assainir le cadre économique en réduisant le déficit et l’endettement, a dit Souleymane Diallo, directeur général de la planification au ministère de l’Economie.
L’inflation “sera maîtrisée autour de 2% pour les cinq prochaines années”, a-t-il affirmé, et le gouvernement table sur une croissance annuelle entre 6,5 et 7%.
En cinq ans, “le revenu moyen du Sénégalais devra augmenter de 1.660 dollars à 2.468 dollars”, soit “une augmentation de près de 50%”, a-t-il dit, en référence au revenu par tête, c’est à dire le revenu national brut annuel rapporté au nombre d’habitants.
“L’espérance de vie à la naissance augmentera au moins de trois ans”, a-t-il dit. Elle était de presque 69 ans en 2023, selon l’Agence nationale de la statistique.
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