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Stilfontein, Afrique du Sud – Le sinistre puits aurifère de Stilfontein, d’où ont été extraits 78 corps de mineurs clandestins cette semaine en Afrique du Sud, n’est qu’un des 6.000 sites laissés à l’abandon par des compagnies minières dans le pays.

A rescuer retrieve an illegal miner during a rescue operation from an abandoned gold shaft in Stilfontein on January 14, 2025. More than two dozen illegal miners have been rescued and at least 15 bodies recovered from an abandoned gold mine in South Africa, as operations continued on January 14, 2025 to reach potentially dozens more people who have been underground for months. (Photo by Christian Velcich / AFP)

La décadence du secteur a alimenté l’économie informelle qui attire parmi les pays voisins. Zimbabwéens et Mozambicains, mais aussi des gangs du Lesotho, s’enfoncent équipés d’outils rudimentaires dans l’obscurité de galeries pour gratter les dernières paillettes d’un âge d’or passé.

Phénomène massif, les « zama zamas » – traduire « ceux qui essaient » en zoulou – étaient environ 30.000 en 2015, d’après un rare rapport des autorités sud-africaines.

– Secteur minier effondré –

Si les mineurs artisanaux sont communs sur le continent, la particularité de l’Afrique du Sud est qu’ils y investissent d’anciens sites d’échelle industrielle désormais fermés faute de rentabilité. Cela explique qu’ils aient été près de 2.000 à refaire surface depuis août à Stilfontein, situé à environ 150 km au sud-ouest de Johannesburg.

Comptant jadis pour 21% du PIB sud-africain en 1980, selon le département national des statistiques, l’exploitation minière n’en représentait plus que 6,2% en 2023, d’après l’organisation patronale du secteur.

Le Witwatersrand, chaîne de collines piochée par les orpailleurs de Stilfontein, a été le siège d’une insensée ruée vers l’or au XIXe siècle. Ce qui a valu à Johannesburg son surnom d’eGoli, « la cité de l’or » en zoulou.

Mais l’Afrique du Sud, premier producteur mondial du métal jaune jusqu’en 2007, a dégringolé au onzième rang en 2022, indique l’Institut d’études géologiques des États-Unis.

– Savoir-faire zimbabwéen et mozambicain –

Près de 60% des « zama zamas » ressortis du site de Stilfontein étaient Mozambicains.

« La plupart des Sud-Africains ont un emploi ou bénéficient de subventions publiques. Ils n’ont pas besoin de travailler dans le secteur minier informel », explique Robert Thornton, professeur d’anthropologie à l’université du Witwatersrand.

La faible concentration en or du sol du Witwatersrand rend la tâche aussi ingrate que peu juteuse. « Vous n’obtenez que 7 à 15 grammes d’or par tonne », détaille M. Thornton, auteur de plusieurs travaux sur ces mineurs qu’il a suivi dans les galeries.

« Ils doivent avoir un bon œil et ne remontent que les roches contenant le plus d’or », précise-t-il. D’où la forte proportion de mineurs du Mozambique, où le secteur artisanal est très développé. Comme au Zimbabwe, où il est même possible de revendre son or à l’État.

Conséquence de la faible concentration: « ils remontent avec 40 à 50 kg de roche », selon Robert Thornton.

– Longs séjours souterrains –

Un « zama zama » remonté de Stilfontein mi-novembre, Ayanda Ndabeni, a expliqué à l’AFP être resté « seulement deux mois » sous terre, assurant que certains pouvaient séjourner « jusqu’à un an » dans les galeries.

Des durées particulièrement longues liées à la difficulté d’accès au puits numéro 11, profond de 2,6 kilomètres.

Sur ce type de site, des vivres sont descendus dans les galeries, souvent par les bouches d’aération, a décrit le journaliste sud-africain Kimon de Greef, auteur de plusieurs enquêtes.

« D’ordinaire, ils restent sous terre pendant deux semaines, mais rarement plus », assure Robert Thornton.

– L’ombre du crime organisé –

L’Initiative mondiale contre le crime organisé transnational (GI-TOC), une ONG basée à Genève (Suisse), décrit de « violentes guerres de gangs et de territoires » dans un rapport de 2021 sur les marchés illicites de l’or en Afrique de l’Est et australe.

« Les gangs du Lesotho volent l’or des travailleurs souterrains », affirme Robert Thornton. « Il n’y a aucune activité minière au Lesotho, ils n’ont donc aucune expérience en la matière. »

Mais contrairement à un discours fréquent en Afrique du Sud, il est inexact de résumer le phénomène aux étrangers.

Autour de Barberton, près de l’eSwatini (nord-est), l’anthropologue décrit une « sorte de territoire indépendant de l’or » où les filons de quartz aurifère recèlent d’épaisses pépites. « Ils se protègent avec des armes et des milices. Mais ils sont pour la plupart swazis et sud-africains. »

Enfin le rôle des revendeurs d’or ayant pignon sur rue est déterminant. « Le manque de transparence et de réglementation (…) a facilité non seulement le blanchiment d’or, mais aussi la fraude à la TVA », observe la GI-TOC, la revente d’or d’occasion en étant exempte.

« Une fois blanchi, l’or est exporté ou passé en contrebande hors du pays », éclaire l’ONG, « principalement vers les Émirats arabes unis et, dans une bien moindre mesure, vers l’Inde et la Chine. »

© Agence France-Presse

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