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Introduction : La RDC à un tournant démocratique ?

La République démocratique du Congo (RDC) se retrouve face à une décision qui pourrait remodeler son avenir politique : faut-il modifier la Constitution de 2006 ? Le président Félix Tshisekedi justifie cette initiative par la nécessité d’adapter le texte à des réalités nationales, mais l’opposition et une partie de la société civile dénoncent une tentative déguisée de prolonger son pouvoir. Alors que les tensions s’accumulent, ce débat met à l’épreuve les institutions congolaises, l’unité nationale et, plus largement, la maturité démocratique du pays. Quelle est l’ampleur de cette réforme envisagée, et quelles en seront les conséquences sur l’équilibre politique de la RDC ?


Une révision nécessaire ou une manœuvre politique ?

Félix Tshisekedi a lancé l’idée de modifier la Constitution en déclarant qu’elle avait été « rédigée à l’étranger par des étrangers » et qu’elle ne correspondait pas aux besoins actuels de la RDC. Ce discours, prononcé à Kisangani en octobre 2024, a suscité un mélange de soutien enthousiaste et de critiques acerbes. Le président insiste sur l’organisation d’un référendum pour légitimer la démarche, tout en annonçant la mise en place d’une commission d’experts pour étudier les faiblesses du texte.

Cependant, le flou persiste : s’agit-il d’une simple révision ou d’un remplacement complet ? Des figures comme Christophe Mboso (CRD) et Augustin Kabuya (UDPS) soutiennent la réforme, qualifiant la Constitution actuelle de « malédiction » pour le pays. Mais d’autres membres de l’Union sacrée, comme Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba, se murent dans un silence révélateur, reflétant une possible fracture au sein de la coalition au pouvoir.


L’opposition : un front commun inédit mais fragile

Pour la première fois depuis des années, des opposants historiques comme Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Joseph Kabila, et Delly Sesanga ont uni leurs forces pour contrer ce projet. La coalition « Forces politiques et sociales contre la dictature et le changement de la Constitution », formée en novembre 2024, s’oppose catégoriquement à toute modification. Selon eux, cette démarche sert uniquement à ouvrir la voie à un troisième mandat pour Félix Tshisekedi.

Delly Sesanga, l’un des principaux porte-voix de cette opposition, rappelle que le président a déjà renié ses promesses de respecter les institutions. Il a récemment déclaré : « Félix Tshisekedi entretient volontairement la confusion entre révision et changement de Constitution. Nous refusons de jouer ce jeu. » Cependant, cette alliance de circonstance pourrait être fragilisée par des ambitions personnelles ou des divergences stratégiques, comme ce fut le cas lors des élections de 2023.


La société civile et l’Église : des critiques morales et sociales

Au-delà de la sphère politique, la société civile et les institutions religieuses, en particulier l’Église catholique, jouent un rôle clé dans ce débat. Le cardinal Fridolin Ambongo a exprimé une critique cinglante lors d’une homélie devant des milliers de jeunes à Kinshasa. Il a dénoncé une perte de temps et d’énergie autour du changement constitutionnel, au détriment des véritables priorités du pays, telles que l’éducation, l’emploi des jeunes et la lutte contre la pauvreté.

Cette prise de position, soutenue par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), rappelle l’influence décisive de l’Église lors des mobilisations contre Joseph Kabila en 2016. Si l’Église parvient à mobiliser une partie de la population, elle pourrait devenir un acteur majeur dans la résistance à ce projet.


Les obstacles juridiques et institutionnels

L’un des arguments centraux des opposants repose sur les limites imposées par la Constitution elle-même. L’article 220 stipule que la durée et le nombre de mandats présidentiels, ainsi que l’indépendance judiciaire, ne peuvent être modifiés. Toute tentative de toucher à ces dispositions exigerait non pas une révision, mais une nouvelle Constitution.

De plus, l’état de siège actuellement en vigueur dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu empêche légalement toute révision constitutionnelle. Ce blocage institutionnel, rarement abordé par les partisans du changement, pourrait freiner le projet présidentiel.


Perspectives historiques et implications internationales

Le débat sur la réforme constitutionnelle fait écho aux événements de 2016, lorsque Joseph Kabila avait tenté, sans succès, de prolonger son mandat au-delà des limites constitutionnelles. Si la mobilisation populaire avait alors permis de préserver l’ordre institutionnel, le contexte actuel est différent. Félix Tshisekedi bénéficie d’une majorité parlementaire solide et d’un contrôle accru des institutions.

À l’international, la communauté des partenaires de la RDC surveille de près cette initiative. Une dérive autoritaire pourrait entraîner des conséquences économiques et diplomatiques graves, notamment une réduction de l’aide internationale ou une dégradation de la coopération économique.


Conclusion : Une démocratie à l’épreuve

Le débat sur la modification de la Constitution en RDC cristallise les tensions politiques et sociales du pays. Il met en lumière les fragilités institutionnelles, les ambitions personnelles des élites et le rôle crucial de la société civile. Si Félix Tshisekedi réussit à imposer sa réforme, cela pourrait redéfinir le paysage politique congolais. Mais à quel prix ?

La question reste ouverte : ce processus est-il réellement porté par l’intérêt national, ou s’agit-il d’une tentative de consolidation du pouvoir ? Une chose est sûre : le peuple congolais, souvent oublié, doit être au cœur de cette décision, car c’est son avenir démocratique qui est en jeu. Peut-il encore peser sur le cours des événements ou restera-t-il spectateur ?


© Odon Bulamba / ADR

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