Un raz-de-marée historique pour Pastef
Le 17 novembre 2024 restera gravé dans l’histoire politique du Sénégal. Avec 130 sièges sur les 165 que compte l’Assemblée nationale, le parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), dirigé par Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, a écrasé ses adversaires. Ce résultat, confirmé par la Commission nationale de recensement des votes le 21 novembre, marque une transition politique majeure dans un pays habitué à un équilibre plus fragmenté entre les forces politiques.
Un effondrement des forces d’opposition
Alors que Pastef progresse vers une domination quasi hégémonique, les opposants historiques peinent à maintenir leur pertinence. La coalition Takku Wallu Sénégal, menée par l’ancien président Macky Sall, n’a récolté que 16 sièges. D’autres groupes, comme Jamm Ak Njariñ (7 sièges) ou Samm Sa Kàddu (3 sièges), affichent des résultats décevants. Des partis autrefois influents se retrouvent relégués à des positions marginales, confirmant un effondrement politique qui semblait se profiler depuis plusieurs années.
Un bouleversement des alliances politiques
Les élections de 2024 ont mis en lumière une fragmentation des anciennes coalitions dominantes. Benno Bokk Yakaar, qui avait régné pendant plus de dix ans, s’est désintégrée, laissant place à des alliances nouvelles et parfois fragiles. Macky Sall, malgré un retour politique symbolique, n’a pas su rassembler suffisamment autour de son nom, laissant les nouvelles figures, comme Sonko, façonner l’avenir politique du pays.
Les défis de la majorité Pastef
Avec une majorité aussi écrasante, Pastef est désormais en position d’exécuter pleinement son programme, baptisé « Le Projet ». Toutefois, cette victoire s’accompagne de responsabilités accrues. Les attentes populaires, notamment en matière de réformes économiques, de justice sociale, et de lutte contre la corruption, seront immenses. Pastef devra également gérer les risques liés à une opposition affaiblie, ce qui pourrait poser des problèmes pour maintenir un dialogue démocratique équilibré.
Un contexte électoral marqué par les tensions
Ces législatives anticipées étaient déjà exceptionnelles en raison des circonstances qui les ont précédées. La dissolution de l’Assemblée nationale en septembre dernier, décidée par le président Bassirou Diomaye Faye après consultation du Conseil constitutionnel, visait à mettre fin à une cohabitation délicate avec l’ancienne majorité. L’absence de parrainages pour ces élections, due à un vide juridique, a favorisé une prolifération de listes, bien que seules quelques-unes aient réussi à obtenir des sièges significatifs.
Une répercussion régionale à surveiller
La victoire de Pastef pourrait avoir des répercussions au-delà des frontières sénégalaises. Elle témoigne d’une dynamique montante dans la région, où des mouvements populistes et réformateurs gagnent en influence. Cependant, elle pourrait également accentuer les tensions politiques dans un pays historiquement stable, mais où les rivalités politiques et les attentes populaires sont exacerbées.
L’analyse des experts
Selon Babacar Ndiaye, directeur de recherche au think tank Wathi, « cette victoire n’est pas seulement électorale, elle symbolise un tournant générationnel. Les figures politiques traditionnelles, comme Macky Sall, semblent avoir perdu leur capacité à séduire une population jeune et exigeante. » Cette observation souligne le défi de Pastef : maintenir sa popularité tout en répondant aux promesses qui l’ont porté au pouvoir.
Conclusion : un avenir politique à construire
Pastef dispose désormais de toutes les cartes pour mettre en œuvre ses réformes, mais la transition du statut de challenger à celui de leader dominant sera scrutée de près. Entre promesses électorales et réalités du pouvoir, l’équipe de Sonko devra faire preuve d’agilité et de transparence pour ne pas décevoir les espoirs qu’elle a suscités.
O Bulamba / ADR