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Résumé
À l’approche des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024, le Sénégal se retrouve face à une question fondamentale : Ousmane Sonko, leader du parti Pastef, peut-il incarner un changement durable tout en acceptant des alliances stratégiques avec des anciens rivaux politiques ? Ces alliances, jugées nécessaires pour consolider une majorité parlementaire, risquent cependant de compromettre l’image d’intégrité que Sonko et son parti ont longtemps cultivée. Pendant ce temps, Macky Sall et Amadou Ba, chacun avec sa propre stratégie, s’affirment comme des forces politiques rivales prêtes à influencer ces élections. Ce scrutin pourrait non seulement redéfinir l’avenir politique du Sénégal, mais aussi impacter la stabilité démocratique de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.


Des alliances stratégiques pour Pastef : pragmatisme ou reniement des valeurs ?

Le 3 novembre dernier, lors d’un rassemblement à Kolda, Ousmane Sonko a étonné ses partisans en accueillant deux figures de l’ancienne majorité : Mame Boye Diao et Abdourahmane Baldé. Ces ralliements, venant d’anciens alliés de l’ex-président Macky Sall, posent une question cruciale : Sonko peut-il prétendre incarner le renouveau politique tout en s’appuyant sur des transfuges de l’ancien régime ? Depuis sa fondation, Pastef s’est opposé à la transhumance politique, dénonçant ce phénomène comme un symbole d’opportunisme et de corruption. En ouvrant désormais les portes du parti à d’anciens rivaux, Sonko opte pour un pragmatisme qui pourrait toutefois éroder la confiance de son électorat.

« L’unité et la force sont indispensables pour reconstruire un Sénégal plus juste », a-t-il déclaré lors de ce rassemblement, relayé par Jeune Afrique. Cependant, cette déclaration n’a pas apaisé tous les doutes parmi ses partisans. Certains voient dans ces alliances une entorse aux valeurs fondatrices de Pastef, tandis que d’autres estiment que ces ralliements sont nécessaires pour construire une majorité forte. « Sonko prend un risque en intégrant des transfuges », commente un analyste du Centre des Études Africaines de Dakar, qui souligne que cette ambiguïté pourrait constituer un point faible pour Sonko face à ses adversaires, Macky Sall et Amadou Ba.

Macky Sall et le retour calculé depuis Marrakech : un acteur toujours influent

L’ancien président Macky Sall, bien que retiré de la vie publique et résidant actuellement à Marrakech, reste une figure influente de la politique sénégalaise. Par l’entremise de la coalition Takku Wallu, Sall rassemble d’anciens membres de l’APR et du PDS, construisant une opposition structurée pour contrer Pastef. Cette manœuvre stratégique, bien qu’indirecte, vise non seulement à contenir l’influence de Sonko, mais aussi à protéger ses anciens collaborateurs menacés de poursuites judiciaires.

Pour Sall, cette coalition permet de capter une partie de l’électorat sénégalais, particulièrement ceux qui doutent de la sincérité des alliances de Sonko. Selon un rapport de l’International Crisis Group, la coalition Takku Wallu pourrait ébranler l’équilibre politique au Sénégal et freiner les ambitions parlementaires de Sonko, en ralliant des électeurs traditionnels de l’APR. « Si Takku Wallu réussit à s’imposer, cela pourrait affaiblir Pastef et empêcher Sonko de mettre en œuvre ses réformes ambitieuses », analyse un politologue local.

Amadou Ba : un critique sévère de la transhumance politique et un rival stratégique

Dans cette recomposition politique, Amadou Ba, ancien Premier ministre et chef de la coalition Jamm Ak Njarin, s’érige en rival de poids pour Sonko. Se positionnant comme un défenseur des valeurs de transparence et d’intégrité, Ba critique ouvertement les alliances de Pastef et les contradictions de Sonko sur la transhumance. « Le Sénégal mérite des leaders cohérents et sincères, et non des alliances de circonstance », a-t-il déclaré dans une interview avec Africa Report, soulignant ce qu’il perçoit comme de l’opportunisme de la part de Sonko.

Sa stratégie est de se présenter comme une alternative crédible, séduisant un électorat de plus en plus sceptique envers les manœuvres politiques. Ba parie sur la cohérence de ses engagements pour attirer des électeurs déçus par les compromis de Sonko. « Amadou Ba se positionne comme la conscience politique du Sénégal », déclare un professeur de science politique de l’Université Cheikh Anta Diop, soulignant que la posture de Ba pourrait s’avérer décisive, surtout pour un électorat en quête de stabilité.

Un scrutin aux répercussions économiques et sociales : un enjeu de stabilité

Au-delà des stratégies politiques, les élections législatives de 2024 revêtent une importance cruciale pour l’avenir économique et social du Sénégal. Le pays, confronté à une inflation galopante et à des taux de chômage élevés, attend de ses dirigeants des réformes qui soutiendront le développement. Une victoire de Pastef pourrait permettre à Sonko de concrétiser son programme de réformes axé sur la redistribution des richesses et la justice sociale.

Cependant, un parlement divisé pourrait offrir une forme d’équilibre politique, rassurant les investisseurs et favorisant une gouvernance plus modérée. Pour un économiste de la Banque mondiale, « la stabilité politique est essentielle pour maintenir la confiance des investisseurs étrangers. Si le Sénégal parvient à préserver un équilibre, il pourrait renforcer sa position comme modèle économique et politique dans la région ».

Le Sénégal, un modèle pour l’Afrique de l’Ouest ?

Les enjeux de cette élection dépassent les frontières sénégalaises. Alors que des pays voisins comme le Burkina Faso et le Mali traversent des crises politiques, le Sénégal est observé comme un pilier de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest. La réussite ou l’échec de cette transition politique pourrait donc avoir des répercussions régionales.

D’après un expert de l’International Crisis Group, « le Sénégal est l’un des rares pays de la région à avoir préservé sa stabilité. Si Sonko parvient à instaurer un gouvernement inclusif, cela pourrait inspirer d’autres pays en quête de stabilité ». Ce scrutin, tout en étant centré sur le Sénégal, est perçu comme un baromètre pour la démocratie en Afrique de l’Ouest, et pourrait influencer des dynamiques politiques dans d’autres États de la région.

Perspective citoyenne : entre espoir et scepticisme

Dans ce climat de recomposition politique, le peuple sénégalais exprime des opinions partagées. Si certains voient en Sonko un symbole d’espoir et de renouveau, d’autres s’inquiètent des compromis qu’il est prêt à faire pour accéder au pouvoir. « Nous voulons un changement réel, mais pas à n’importe quel prix », témoigne Mamadou, un commerçant de Dakar. Cette voix reflète un scepticisme grandissant parmi l’électorat, qui aspire à des dirigeants intègres et à des réformes sans compromis sur les valeurs.

Ce témoignage ancre l’analyse dans la réalité vécue par les citoyens, soulignant l’importance pour les leaders politiques de répondre aux attentes d’une population lassée des jeux d’alliances et des stratégies électorales.

Conclusion : le Sénégal à la croisée des chemins démocratiques

À la veille de ces législatives cruciales, le Sénégal se trouve face à un choix déterminant. Ousmane Sonko devra démontrer que son parti peut mener un changement durable, sans sacrifier les valeurs d’intégrité qui ont fait sa popularité. Mais dans une compétition marquée par le retour stratégique de Macky Sall et la position de fermeté d’Amadou Ba, la démocratie sénégalaise est mise à l’épreuve.

Le pays saura-t-il préserver son statut de modèle démocratique en Afrique de l’Ouest ? La réponse dépendra de la capacité de chaque camp à convaincre un électorat exigeant et à offrir une vision claire et cohérente pour le futur du Sénégal. Dans cette course où l’éthique se confronte à la stratégie, l’avenir de la politique sénégalaise et de la stabilité régionale est en jeu.

© Odon Bulamba / ADR

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