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Casablanca – Au début des années 1970, le Maroc est secoué par une série de tentatives de coup d’État et de soulèvements armés, entraînant le royaume dans une période de forte instabilité politique. Après l’échec du coup d’État de Skhirat en 1971, le gouvernement marocain, dirigé par le roi Hassan II, fait face à une opposition sans précédent menée par l’Union nationale des forces populaires (UNFP) et son leader emblématique, Mohamed Fqih Basri. Avec des soutiens internationaux en Syrie et en Algérie, le mouvement de gauche aspire à un changement radical du régime marocain, menant le pays vers une quasi-guerre civile.


Une Alliance Internationale et des Alliés Inattendus

Dans le contexte de la guerre froide et des mouvements de décolonisation, l’UNFP bénéficie du soutien de puissances régionales, notamment l’Algérie de Houari Boumédiène, alors en phase de rapprochement avec le Maroc, et la Syrie baasiste, qui devient un foyer d’opposition pour les militants révolutionnaires marocains. Les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie s’améliorent momentanément, mais l’engagement de l’Algérie aux côtés des militants marocains exacerbe les tensions. Ces alliances politiques et militaires apportent un soutien logistique aux forces révolutionnaires, marquant le début d’une stratégie de guérilla.

Le président algérien Boumédiène permet aux militants de l’UNFP d’établir des bases militaires où ils reçoivent un entraînement militaire intensif. « Ce soutien d’Alger était essentiel pour maintenir notre mouvement armé », rapporte Brahim Ouchelh dans ses mémoires publiés récemment. La Syrie sert également de refuge aux leaders de l’UNFP, consolidant leur réseau révolutionnaire en leur offrant un appui idéologique et militaire.


Les Échecs des Tentatives de Coup d’État et l’Exil des Leaders de l’UNFP

Les années 1971 et 1972 marquent un tournant dramatique. Après la tentative de putsch de Skhirat en juillet 1971, visant à renverser la monarchie, une faction de l’armée se mobilise de nouveau en août 1972 pour le « coup d’État des aviateurs ». Ces tentatives échouent, menant à une répression accrue du gouvernement marocain envers les militants de l’UNFP et ses alliés militaires. De nombreux militaires impliqués, dont le général Oufkir, seront soit exécutés soit emprisonnés dans des conditions sévères.

La répression qui suit ces événements renforce l’autorité du roi Hassan II, mais elle laisse des cicatrices profondes au sein de l’UNFP. Plusieurs figures du mouvement, telles qu’Abderrahim Bouabid et Omar Benjelloun, choisissent l’exil ou sont emprisonnées. Pour ceux qui restent, l’espoir d’une révolution semble s’éloigner, et l’UNFP, scindée entre une branche modérée et une branche radicale, est de plus en plus isolée politiquement.


Tazmamart : Un Lieu de Souffrance et un Symbole des Années de Plomb

Pour neutraliser la résistance, le régime marocain met en place des mesures répressives sévères. Les dissidents et les militaires rebelles capturés sont emprisonnés dans des conditions inhumaines, notamment dans la prison secrète de Tazmamart, tristement célèbre pour ses détentions à vie et ses conditions d’incarcération extrêmes. Ce bagne devient un symbole de l’oppression et des années de plomb, période marquée par des arrestations massives, des procès politiques, et une absence de libertés civiles.

Des survivants de Tazmamart décrivent des cellules sombres, dépourvues de lumière naturelle, où les prisonniers sont enfermés sans accès aux soins de base. Les détenus, pour la plupart des militants de l’UNFP ou des militaires accusés de tentative de complot, y vivent dans des conditions dégradantes, loin des regards et des préoccupations de la société civile.


La Fin d’une Période Révolutionnaire et le Rétablissement de l’Ordre

En 1973, après une ultime tentative de soulèvement armé à Moulay Bouazza, l’UNFP abandonne progressivement la lutte armée. Fqih Basri et plusieurs de ses camarades choisissent l’exil, où ils poursuivent leur engagement politique depuis l’étranger. La monarchie, quant à elle, maintient un contrôle strict, consolidant son pouvoir par une série de réformes visant à affaiblir toute forme d’opposition organisée. Ce n’est qu’au début des années 1990 que certains militants exilés sont autorisés à revenir au Maroc, où une amnistie leur permet de réintégrer la vie politique.

Cet abandon des armes marque la fin d’une période révolutionnaire pour l’UNFP, tandis que le régime de Hassan II, bien que fragilisé, parvient à renforcer sa légitimité et à stabiliser le pays. Les décennies suivantes verront l’instauration de réformes progressives, y compris l’amélioration des droits civiques et politiques, quoique partielle.


Conclusion : Les Leçons d’une Période Trouble

L’histoire des années de plomb et des soulèvements de l’UNFP contre la monarchie marocaine souligne les défis de la lutte pour le pouvoir et l’évolution politique dans le Maroc post-indépendance. La répression de cette époque a laissé des cicatrices profondes, tant pour les familles des victimes que pour la société marocaine, qui garde en mémoire ces années sombres. Alors que le Maroc poursuit ses efforts de réforme, l’héritage de cette période révolutionnaire reste un rappel constant des sacrifices effectués pour la stabilité et le progrès national.

© Odon Bulamba / ADR

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