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Alger, Algérie – Algiers, Algeria – Face à des positions françaises jugées illisibles, l’Algérie estime être la cible d’une « cabale » et paraît en attente d’une intervention du président français Emmanuel Macron dans « la plus grave crise » depuis la fin de la guerre d’indépendance, selon des analystes et éditorialistes.

Dénonçant une « extrême droite française revancharde et haineuse », accusée d’attiser les flammes, le ministère algérien des Affaires étrangères a affirmé jeudi qu’Alger s’était astreint au « calme » et à la « retenue » face à l' »escalade » française.

« L’Algérie n’a pris l’initiative d’aucune rupture », a dit le ministère dans un communiqué.

La relation bilatérale a connu un violent coup de frein fin juillet quand Paris a apporté son soutien à la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental.

Ce territoire non autonome selon l’ONU est le théâtre d’un conflit depuis 50 ans entre le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par Alger.

L’Algérie a réagi en retirant son ambassadeur à Paris et menacé d’autres représailles.

La crise s’est aggravée avec l’incarcération à Alger à la mi-novembre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des déclarations faites en France à un média réputé d’extrême droite et considérées comme portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien.

L’arrestation par Paris en début d’année d’influenceurs algériens pour apologie de la violence, et l’expulsion d’Algériens renvoyés par Alger, ont envenimé la situation.

Avant de nouvelles critiques ces derniers jours envers le refus de l’Algérie d’accepter un ressortissant en situation irrégulière, auteur d’un attentat le 22 février à Mulhouse, dans l’est de la France, qui a fait un mort.

– « Silence » –

Dans ce contexte explosif, le Premier ministre français François Bayrou a lancé mercredi un ultimatum « d’un mois à six semaines » à l’Algérie, menaçant de dénoncer « la totalité des accords » bilatéraux sur les questions migratoires, « pas respectés » selon lui.

Ce à quoi le ministère algérien des Affaires étrangères a répliqué que l’Algérie rejetait « catégoriquement les ultimatums et les menaces ».

L’Algérie « appliquera une réciprocité stricte et immédiate à toutes les restrictions apportées aux mobilités entre l’Algérie et la France », a-t-il ajouté.

« Toute remise en cause de l’Accord de 1968 (…) sera suivie de la part de l’Algérie d’une même remise en cause des autres accords et protocoles de même nature », a-t-il encore dit.

Pour le site d’information TSA, « la rupture n’est plus impensable ».

« L’Algérie ne trouve pas d’interlocuteur autre que les voix extrémistes. Invité par le président Tebboune à s’exprimer, Emmanuel Macron se mure dans le silence », a déploré TSA.

Le président français avait pourtant opéré un rapprochement spectaculaire avec Alger lors d’une visite officielle à l’été 2022, marquée par le lancement d’une commission mixte d’historiens sur le difficile dossier mémoriel et un rédémarrage tous azimuts de la relation bilatérale.

Aujourd’hui, plusieurs observateurs jugent les menaces françaises contre-productives.

« Paris fait fausse route », affirme ainsi le politologue Hasni Abidi, car « les sanctions brandies par la France ne sont de nature ni à ramener la sérénité ni à constituer une pression sur les autorités algériennes ».

La réunion de Paris sur l’immigration a été « perçue comme une énième cabale contre l’Algérie », explique M. Abidi, pour qui « le laisser-faire du président Macron a donné des ailes à la droite conservatrice et l’extrême droite ».

Jusqu’à présent, note M. Abidi, Alger semble « dans l’attente d’une prise de parole (de Macron) pour revenir à des négociations plus sereines ».

– Enjeux –

Mais si la situation dégénère, plusieurs volets de la relation bilatérale risquent d’en pâtir.

L’Algérie, qui compte parmi ses gros clients l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne, avec qui les relations sont au beau fixe, est un important fournisseur de gaz pour la France. Environ 450 entreprises françaises sont également implantées en Algérie.

Et à la mi-janvier, le chef de l’agence de renseignements français DGSE a effectué, selon Le Figaro, une visite à Alger pour relancer la coopération dans la lutte antiterroriste au Sahel, où la montée en puissance de groupes liés à l’organisation jihadiste Etat islamique inquiète les experts.

Conscients des enjeux, quelques rares politiciens français appellent à un changement de ton à Paris, comme l’ex-chef de la diplomatie Dominique de Villepin qui a récemment expliqué que « le bras de fer ne fonctionne pas avec un Etat comme l’Algérie ».

L’historien français spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, a exhorté mercredi M. Macron à « parler » et « trouver les mots justes », alors qu’on n’a « jamais connu de crise aussi grave entre les deux pays ».

© Agence France-Presse

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