Introduction : Une relation bilatérale sous tension ?
Pourquoi la relation entre la France et l’Algérie reste-t-elle si tumultueuse, même 60 ans après l’indépendance algérienne ? Les tensions actuelles, marquées par des accrochages diplomatiques et des conflits de mémoire, traduisent-elles une incapacité à tourner la page ou une instrumentalisation politique des deux côtés ? Cette analyse explorera les origines de ces tensions, leur impact actuel et les perspectives futures, en s’appuyant sur des faits et des expertises reconnues.
Une mémoire encombrante : De la reconnaissance à la politisation
La guerre d’Algérie demeure un point névralgique des relations franco-algériennes. Emmanuel Macron a amorcé un travail de reconnaissance historique, qualifiant notamment les crimes de Maurice Papon d’« impardonnables » et reconnaissant l’assassinat de Larbi Ben M’hidi par l’armée française. Cependant, ces gestes, bien qu’appréciés par certains, sont jugés incomplets par Abdelmadjid Tebboune, qui appelle à une reconnaissance plus franche de la responsabilité de l’État français.
Un rapport de Benjamin Stora, présenté en 2021, recommande notamment la création d’une commission mémoire commune et des projets concrets de coopération culturelle. Pourtant, peu de ces propositions ont été mises en œuvre, laissant les tensions s’exacerber. L’historienne Sylvie Thénault souligne que « la mémoire coloniale reste un sujet brûlant, politiquement exploité des deux côtés de la Méditerranée, retardant une réconciliation sincère » (Le Monde, 2023).
Un contexte économique et diplomatique sous pression
Les enjeux économiques exacerbent les divergences historiques. La France, en soutenant officiellement le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, a provoqué une réaction vive d’Alger, qui perçoit ce geste comme une trahison. Selon une analyse de Jeune Afrique (2024), « cette position répond à une stratégie de rapprochement économique avec Rabat, mais elle complique les relations avec un acteur-clé comme l’Algérie ».
Sur le plan énergétique, l’Algérie reste un fournisseur crucial pour la France et l’Europe. En 2023, d’après les données de l’Agence internationale de l’énergie, l’Algérie a fourni près de 15 % du gaz naturel liquéfié (GNL) consommé par l’Union européenne, renforçant son rôle stratégique. Toutefois, les tensions politiques fragilisent cette dépendance mutuelle.
Des enjeux internes et des instrumentalisations mutuelles
En France, les questions liées à l’Algérie sont régulièrement instrumentalisées à des fins politiques internes, notamment par les courants de droite et d’extrême droite. Des figures comme Bruno Retailleau ont proposé des restrictions sur les visas pour des raisons d’ordre public, touchant directement les relations franco-algériennes. Cette stratégie vise à mobiliser une partie de l’électorat autour des enjeux identitaires.
En Algérie, le président Tebboune utilise ces tensions pour renforcer son autorité interne face à des critiques sur la corruption et le pouvoir d’achat. Selon Dalia Ghanem, politologue à Carnegie Middle East, « la rhétorique anti-française est un levier traditionnel pour consolider l’unité nationale en Algérie, surtout en période de crise économique ».
Une relation asymétrique et interdépendante
Malgré les divergences, la France et l’Algérie restent interdépendantes. En matière de sécurité, la coopération dans la région sahélienne est cruciale pour contrer les menaces terroristes. Un rapport de l’Institut français des relations internationales (IFRI, 2024) souligne que « l’Algérie est un partenaire incontournable pour stabiliser le Sahel, mais les divergences politiques avec la France affaiblissent l’efficacité de cette collaboration ».
Par ailleurs, l’approvisionnement en gaz algérien reste essentiel dans le contexte des tensions avec la Russie. La France, qui cherche à diversifier ses sources d’énergie, ne peut se permettre une rupture totale. Cependant, l’absence de dialogue constructif menace ces coopérations stratégiques.
Conclusion : Quelle voie pour l’avenir ?
Le conflit franco-algérien illustre les difficultés à conjuguer mémoire et réalisme politique. Pour sortir de l’impasse, un dialogue dépolitisé et constructif est essentiel, notamment sur les questions mémorielle et économique. La France doit clarifier ses intentions sur des dossiers sensibles comme le Sahara occidental, tandis que l’Algérie devrait adopter une posture moins défensive vis-à-vis de ses partenaires.
Questions ouvertes : Cette relation tumultueuse peut-elle être transformée en une coopération mutuellement bénéfique ? Comment les acteurs internationaux, tels que l’Union européenne ou les Nations Unies, pourraient-ils favoriser une réconciliation durable ? Les perspectives énergétiques mondiales peuvent-elles servir de levier pour apaiser les tensions ?
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