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Introduction : Une controverse au cœur de l’avenir démocratique du Congo

La République Démocratique du Congo (RDC) est plongée dans un débat politique majeur alors que le président Félix Tshisekedi a annoncé son intention de réviser la Constitution de 2006. Présenté comme une nécessité pour moderniser un texte jugé “obsolète” et inadapté, ce projet suscite autant d’espoir que de méfiance. Selon le président, la réforme est indispensable pour répondre aux défis actuels du pays et renforcer sa souveraineté nationale. Ses opposants, cependant, dénoncent une tentative déguisée de prolonger son pouvoir au-delà des deux mandats présidentiels permis par la loi fondamentale.

Dans ce pays marqué par une histoire politique tumultueuse, des tensions sociales récurrentes et une gouvernance fragile, la révision constitutionnelle ne peut être perçue comme un simple exercice juridique. Elle cristallise des enjeux essentiels : la consolidation des institutions démocratiques face aux ambitions personnelles, la mobilisation populaire face aux divisions politiques, et l’équilibre entre souveraineté nationale et respect des normes démocratiques internationales.


Une réforme sous le signe de la controverse

Les arguments du président Tshisekedi

Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi a cherché à projeter l’image d’un dirigeant réformateur, prêt à moderniser les institutions congolaises pour répondre aux aspirations de son peuple. Dans cette optique, il affirme que la Constitution de 2006, élaborée dans un contexte post-conflit sous forte supervision internationale, ne reflète ni les réalités actuelles du pays ni les défis qu’il doit relever.

Tshisekedi pointe plusieurs insuffisances dans la loi fondamentale :

  1. La souveraineté nationale : Certaines clauses, selon lui, brident l’autonomie de la RDC en consacrant une “tutelle extérieure”.
  2. L’instabilité institutionnelle : Le système de gouvernance provinciale est régulièrement paralysé par des blocages administratifs et des conflits de compétence.
  3. La modernisation judiciaire : Le président plaide pour une refonte du cadre institutionnel afin de garantir une meilleure indépendance et efficacité des juridictions.

Cependant, les déclarations ambiguës de Tshisekedi sur l’étendue des réformes envisagées suscitent des interrogations. Pour ses détracteurs, cette initiative pourrait viser à modifier l’article 220, qui verrouille le nombre de mandats présidentiels à deux. Toute tentative de modification de cet article serait perçue comme une attaque directe contre les principes fondamentaux de la démocratie congolaise.

Un contexte historique pesant

La RDC n’en est pas à sa première controverse constitutionnelle. En 2011, Joseph Kabila, alors président, avait modifié la loi fondamentale pour simplifier sa réélection, provoquant une polarisation politique et des manifestations massives. Ce précédent, encore frais dans la mémoire collective, nourrit aujourd’hui une méfiance généralisée. Pour de nombreux Congolais, la réforme proposée par Tshisekedi est un écho inquiétant aux manœuvres de son prédécesseur.


Une opposition déterminée, mais divisée

La naissance d’un front commun inédit

Face à l’initiative de Tshisekedi, des figures majeures de l’opposition, parmi lesquelles Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Denis Mukwege et même l’ancien président Joseph Kabila, ont formé un front commun. Ce regroupement, baptisé “Forces politiques et sociales contre la dictature et le changement de la Constitution”, a pour objectif de contrer ce qu’il qualifie de “dérive dictatoriale”. Leur stratégie inclut des manifestations nationales et un appel à la communauté internationale pour exercer une pression sur le régime.

Cependant, l’unité affichée reste fragile. L’opposition congolaise est historiquement marquée par des rivalités personnelles et régionales qui ont souvent entravé ses efforts pour constituer une force cohérente. Lors des élections de 2023, l’incapacité des leaders à s’unir autour d’un candidat unique avait permis à Tshisekedi de remporter une victoire écrasante.

Le rôle décisif de la société civile et de l’Église catholique

Dans un pays où la société civile joue un rôle crucial dans les luttes démocratiques, le soutien de l’Église catholique pourrait s’avérer déterminant. La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) a exprimé une opposition claire à toute modification des articles fondamentaux de la Constitution. En rappelant que la loi actuelle avait été adoptée pour garantir une transition pacifique après des années de guerre civile, la CENCO exhorte le président à privilégier l’intérêt national sur ses ambitions personnelles.


Une perspective régionale : le spectre des précédents africains

Exemples de révisions controversées

La tentative de Tshisekedi s’inscrit dans une tendance observée dans plusieurs pays africains, où des dirigeants ont utilisé des réformes constitutionnelles pour prolonger leur pouvoir. Ces cas offrent des enseignements variés :

  1. Rwanda (2015) : Paul Kagame a organisé un référendum pour modifier la Constitution, obtenant un soutien massif pour un troisième mandat. Bien que cette réforme ait renforcé la stabilité du régime, elle a été critiquée pour son impact sur l’alternance démocratique.
  2. Guinée (2020) : Alpha Condé a modifié la loi fondamentale pour rester en fonction, déclenchant des manifestations violentes qui ont conduit à son renversement par un coup d’État.
  3. Burkina Faso (2014) : Blaise Compaoré, après 27 ans au pouvoir, avait tenté de prolonger son mandat par une réforme constitutionnelle. Cette initiative avait déclenché une révolte populaire qui l’avait forcé à quitter le pouvoir.

Ces précédents montrent que, bien qu’encadrées juridiquement, les révisions constitutionnelles perçues comme motivées par des ambitions personnelles peuvent rapidement dégénérer en crises politiques.


Les implications pour la RDC : scénarios possibles

Un dialogue inclusif pour renforcer la démocratie

Un processus transparent, impliquant l’opposition, la société civile et des experts constitutionnels, pourrait apaiser les tensions et garantir la légitimité des réformes. Cependant, cette option nécessiterait de la part de Tshisekedi des concessions importantes qui risqueraient de fragiliser sa coalition au pouvoir.

Un passage en force : un risque de polarisation accrue

Si le président choisit de s’appuyer uniquement sur sa majorité parlementaire, il pourrait provoquer des manifestations de grande ampleur, renforçant les divisions politiques et minant sa crédibilité internationale.

Un rejet populaire : un test pour l’opposition

En cas de mobilisation populaire massive, l’opposition pourrait réussir à faire pression sur le pouvoir pour abandonner le projet. Cependant, cela nécessiterait une coordination efficace et un message clair, ce qui manque actuellement.


Conclusion : Une démocratie à un tournant décisif

La révision constitutionnelle proposée par Félix Tshisekedi place la RDC face à un choix historique. Si cette initiative est menée de manière inclusive et respectueuse des principes démocratiques, elle pourrait constituer une opportunité de renouveau institutionnel. À l’inverse, une réforme perçue comme une manœuvre autoritaire risquerait de fragiliser encore davantage les institutions congolaises et d’aggraver les tensions politiques.

La communauté internationale, en particulier les organisations régionales comme l’Union africaine, a un rôle crucial à jouer pour garantir que ce processus reste conforme aux normes démocratiques. L’avenir de la RDC dépendra de la capacité de ses acteurs politiques et sociaux à transcender leurs divisions pour privilégier l’intérêt national.

Question aux lecteurs :
La RDC saura-t-elle transformer cette crise en une opportunité pour renforcer sa démocratie, ou est-elle condamnée à répéter les erreurs du passé ?


© O Bulamba / ADR

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