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Senegal’s Prime Minister and Pastef party leader Ousmane Sonko (C) addresses a speech flanked by security as he takes part in a caravan as part of an electoral campaign for early elections following the dissolution of the National Assembly in Dakar on November 12, 2024. – Senegalese Prime Minister Ousmane Sonko urged his supporters to remain calm on November 12, 2024, after calling on them to ‘take revenge’ for the violence he claimed had been committed against his activists by opponents, who denounced it as a ‘call to murder’ six days ahead of parliamentary elections due to elect a new parliament on November 17, 2024 after Senegal’s President dissolved the opposition-dominated chamber in September. (Photo by SEYLLOU / AFP)

Résumé
Dakar. Alors que le Sénégal se prépare pour les élections législatives anticipées du 17 novembre, la campagne politique dévoile des alliances surprenantes et des contradictions au sein du parti Pastef, dirigé par Ousmane Sonko. Anciennement opposé à la transhumance politique, Sonko a accueilli des ralliements inattendus d’anciens adversaires, une stratégie qui pourrait lui assurer une majorité parlementaire, mais aussi compromettre son image d’intégrité. Avec le retour en scène de Macky Sall depuis l’étranger et la montée en puissance d’Amadou Ba, ces élections redéfinissent les équilibres de pouvoir au Sénégal, où chaque camp cherche à marquer sa position dans un contexte de recomposition politique intense.


Des alliances inattendues : un virage stratégique pour Pastef

Le 3 novembre dernier, lors d’un rassemblement à Kolda, une ville proche de la frontière avec la Guinée-Bissau, Ousmane Sonko a vu ses rangs s’élargir avec le ralliement de deux figures politiques locales de poids : Mame Boye Diao et Abdourahmane Baldé. Ces deux anciens rivaux, proches de l’ancien président Macky Sall, se sont réconciliés publiquement et ont annoncé leur soutien à Sonko, marquant un tournant dans la campagne pour les législatives anticipées. Ce soutien inattendu a surpris nombre d’observateurs politiques, notamment parce que Baldé avait exprimé des réserves sur Sonko et ses positions jugées radicales.

Ce ralliement s’inscrit dans un mouvement plus large de personnalités de l’ancienne majorité présidentielle cherchant une nouvelle place dans le paysage politique sénégalais. L’ancien ministre Gallo Ba, maire de Mbacké, et Adji Mergane Kanouté, autrefois vice-présidente du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (BBY), ont également rejoint le Pastef. La décision de Kanouté, annoncée en pleine campagne, a renforcé l’impression d’une recomposition en profondeur des alliances politiques, avec des figures influentes prêtes à changer de camp.

Les contradictions de Sonko face à la transhumance politique

Ousmane Sonko, qui a longtemps critiqué la transhumance politique – ce phénomène par lequel des politiciens changent de camp par opportunisme –, se retrouve dans une position délicate. Durant ses années d’opposition, Sonko avait juré de mettre fin à cette pratique qu’il jugeait nuisible à la stabilité politique du pays. Aujourd’hui, cependant, son parti accueille des transfuges de l’ancienne majorité, ce qui suscite des critiques au sein même de ses rangs et d’une partie de son électorat.

Les divisions internes se sont particulièrement manifestées lors de la nomination de Samba Ndiaye, ancien proche de Macky Sall, à la tête de la Société nationale des habitations à loyer modéré (SN/HLM). Certains cadres du Pastef ont exprimé leur mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme une entorse aux principes fondateurs du parti. Sonko a tenté d’apaiser les tensions en promettant que le parti resterait vigilant quant à la qualité et à l’intégrité de ses alliés. Toutefois, cette gestion de la transhumance pourrait affaiblir la crédibilité du Pastef à long terme.

Le retour en force de Macky Sall : l’ombre de Marrakech

Alors que Sonko consolide son influence au Sénégal, l’ancien président Macky Sall fait un retour stratégique depuis l’étranger. Officiellement retiré de la vie politique après avoir quitté la présidence, il s’est installé à Marrakech, où il mène des projets internationaux. Cependant, la pression des enquêtes judiciaires et les accusations de manipulation des finances de l’État sous son administration l’ont poussé à se repositionner politiquement.

Aujourd’hui à la tête de la coalition Takku Wallu, Macky Sall a rallié des membres de son ancien parti, l’Alliance pour la République (APR), et le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade. Cette coalition pourrait affaiblir Pastef aux législatives en captant l’électorat de l’ancienne majorité. Pour Macky Sall, cette nouvelle alliance est une façon de protéger ses anciens collaborateurs, nombreux à être visés par la justice sénégalaise, et de maintenir une influence indirecte dans la politique sénégalaise.

Amadou Ba : un adversaire stratégique et une voix critique

De son côté, Amadou Ba, ancien Premier ministre et figure de proue de l’opposition à Sonko, adopte une stratégie calculée pour s’imposer comme une alternative viable. Sa critique des alliances de Pastef et de Sonko sur la question de la transhumance lui a valu des soutiens dans l’opposition. Déjà actif sur la scène politique en tant que leader de la coalition Jamm Ak Njarin, Ba n’a pas hésité à dénoncer ce qu’il considère comme de l’opportunisme politique de la part de Sonko, rappelant les promesses de ce dernier de bannir la transhumance.

Ces attaques répétées visent à faire de Sonko un symbole de l’incohérence politique, une stratégie qui pourrait renforcer la popularité de Ba parmi les Sénégalais désireux de voir des valeurs de transparence et de cohérence dans leur gouvernement. La posture de Ba lui permet également de s’affirmer comme un contrepoids au Pastef et de marquer des points en vue des prochaines échéances électorales.

Répercussions pour le paysage politique sénégalais

Les élections législatives du 17 novembre sont perçues comme un tournant pour le Sénégal, où chaque camp cherche à obtenir une majorité parlementaire pour influencer l’avenir du pays. Une victoire pour Pastef et ses nouveaux alliés permettrait à Sonko de mettre en œuvre son programme de réformes et de se positionner comme le leader incontournable de la politique sénégalaise. Toutefois, les ralliements opportunistes au sein de son parti soulèvent des questions quant à la cohérence de son message et pourraient miner son autorité si la transhumance continue à diviser ses partisans.

Dans ce contexte, le retour de Macky Sall et la montée d’Amadou Ba redéfinissent l’équilibre de pouvoir au Sénégal. Si Pastef domine, il pourrait impulser des réformes audacieuses et marquer un changement profond dans les pratiques politiques du pays. Mais une opposition unie autour de Takku Wallu et de Jamm Ak Njarin pourrait contrer cette hégémonie et pousser Sonko à tempérer ses ambitions de transformation radicale.

Conclusion : un moment décisif pour le Sénégal

Les législatives de 2024 marquent un carrefour pour la démocratie sénégalaise. Dans un climat de recomposition politique, Ousmane Sonko devra prouver que son parti peut incarner un changement durable, tout en résistant aux critiques sur la transhumance et les alliances stratégiques. Face à un électorat de plus en plus sceptique, ces élections détermineront si le Pastef peut devenir une force de réforme, ou si le retour de figures comme Macky Sall et la montée de Ba suffiront à maintenir l’équilibre des pouvoirs.

En acceptant les ralliements de dernière minute, Sonko et Pastef s’engagent dans une course où l’éthique et la stratégie s’affrontent. L’avenir de la politique sénégalaise repose désormais sur la capacité de chaque camp à mobiliser son électorat et à démontrer une vision cohérente pour le Sénégal de demain.

© Odon Bulamba / Africa Daily Report

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