Le Soudan connaît ces dernières semaines une flambée de violences, l’armée et les paramilitaires en guerre depuis un an et demi cherchant à obtenir une « victoire militaire décisive » dans ce pays d’Afrique de l’Est, en l’absence de « solution politique », estiment des experts.
Les combats entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) se sont intensifiés depuis fin octobre, et des informations ont fait état de violences à l’encontre des civils, notamment de violences sexuelles à l’encontre de femmes et de jeunes filles.
La guerre a éclaté en avril 2023 quand l’armée dirigée par Abdel Fattah al-Burhane, a tenté d’intégrer les FSR de son ancien allié et adjoint, Mohamed Hamdan Dagalo, surnommé « Hemedti ».
La rivalité entre les deux généraux a dégénéré en un conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 11 millions de personnes, dont 3,1 millions à l’extérieur du pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
« Au cours des deux dernières semaines, la situation dans le pays a été marquée par certaines des violences les plus extrêmes depuis le début du conflit », a déclaré Rosemary DiCarlo, sous-secrétaire générale de l’ONU pour les Affaires politiques.
« Je tiens à souligner que les deux parties en conflit portent la responsabilité de cette violence », a-t-elle ajouté, soulignant que les deux camps « sembl(ai)ent convaincus qu’ils peuvent l’emporter sur le champ de bataille ».
– Recherche de « solution militaire » –
Depuis le 20 octobre, au moins 124 civils ont été tués dans l’Etat d’Al-Jazira et 135.000 personnes ont fui vers d’autres Etats, selon les Nations unies.
Alors que dans le monde l’attention se concentre sur d’autres guerres, principalement en Ukraine et au Moyen-Orient, les civils soudanais paient un lourd tribut à l’escalade du conflit.
« Tout montre que les deux camps sont déterminés à opter pour des solutions militaires et n’ont pas de véritable intérêt pour des solutions politiques », explique à l’AFP Mohamed Osman, chercheur soudanais à la division Afrique de Human Rights Watch.
« La violence s’intensifie car il n’y a pas de solution politique à l’horizon, les deux parties cherchent donc une solution militaire », renchérit Amani Al-Taweel, directrice du programme Afrique au Centre d’études politiques et stratégiques Al-Ahram au Caire.
En l’absence de conscription, l’armée est composée de volontaires, dont certains sont des islamistes regroupés au sein de la Brigade Bara bin Malik et d’autres mouvements armés. Les FSR, elles, sont composées de milices tribales appartenant à des groupes arabes du Darfour.
S’il n’existe pas de données officielles, des rapports indiquent que le nombre de belligérants est à peu près identique avec 120.000 soldats contre 100.000 pour les FSR. L’armée de l’air donne un avantage relatif à l’armée soudanaise.
Les deux camps sont accusés de crimes de guerre.
Sur le terrain, l’armée contrôle le nord et le sud-est du Soudan, notamment avec Port-Soudan, devenue de facto sa capitale. Les FSR sont maitres de la majeure partie de Khartoum et de la région du Darfour (ouest), en plus de vastes zones du Kordofan (sud).
– Guerre par procuration? –
Les deux camps se disputent le centre du pays. Depuis octobre, les FSR ont intensifié leurs attaques dans l’Etat d’Al-Jazira après qu’un de ses dirigeants a fait défection et rejoint l’armée.
La bataille pour le contrôle d’Al-Jazira s’explique par le fait que cette province constitue « le grenier du Soudan, le plus grand projet agricole d’Afrique, qui contribue à environ 65% de la production de coton du pays », explique Mahmoud Zakaria, professeur à la Faculté des études africaines de l’Université du Caire.
En outre, « sa situation centrale lui confère un atout militaire sur le terrain », ajoute-t-il.
La violence s’intensifie également au Darfour-Nord, où les FSR ont affirmé vendredi que plus de 60 civils avaient été tués dans une frappe aérienne de l’armée sur un centre pour personnes déplacées.
Pour M. Zakaria, « l’Etat du Darfour-Nord est l’un des bastions des FSR », constituées initialement dans cette région sous le nom de milices Janjaweed avant d’être institutionnalisées comme forces semi-régulières en 2013.
Les belligérants s’accusent mutuellement d’être les pions d’une guerre par procuration. L’armée soudanaise affirme que les Emirats arabes unis appuient les FSR, ce que nie ce pays du Golfe.
Dans le même temps, les FSR reprochent à l’armée égyptienne d’intervenir pour appuyer l’armée soudanaise, ce que Le Caire nie.
Pour l’ancien vice-ministre égyptien des Affaires étrangères pour les Affaires africaines, Ali Al-Hafni, « les interventions étrangères alimentent la violence et retardent tout effort visant à rétablir la stabilité au Soudan ».
© Agence France-Presse