Radiation de 16 officiers, disparitions et répression en ligne : l’ancien chef de la junte Paul-Henri Sandaogo Damiba reste dans le viseur du régime
Depuis qu’il a pris le pouvoir en octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré mène une restructuration drastique de l’armée burkinabè, marquée par la radiation de seize officiers pour « faute grave ». Parmi eux figure Paul-Henri Sandaogo Damiba, ancien chef de la junte renversé, aujourd’hui en exil au Togo. Accusé de conspirer pour déstabiliser le gouvernement depuis l’étranger, Damiba et d’autres hauts gradés sont écartés, tandis que la répression s’étend aux réseaux sociaux où des groupes pro-régime traquent les critiques. Cette politique de contrôle génère des préoccupations sur la stabilité du Burkina Faso et ses relations internationales.
Contexte et Accusations : Le Cas Damiba
La campagne de Traoré contre les dissidents militaires trouve ses racines dans la transition entamée en 2022 après la chute de Damiba. Ce dernier, réfugié au Togo, est accusé par la junte de collusion avec des forces étrangères et des groupes terroristes, cherchant à renverser le régime de transition. Sa radiation officielle, prononcée en octobre, symbolise la volonté de la junte d’éliminer l’influence de l’ancien chef et de renforcer l’autorité de Traoré au sein de l’armée.
Radiations et Purge Militaire
Le 30 octobre, Ibrahim Traoré a signé une série de décrets radiants seize officiers pour des « fautes graves ». Parmi eux, le colonel Yves Didier Bamouni, ex-commandant des opérations nationales, et le lieutenant-colonel Evrard Somda, ancien chef de la gendarmerie, ont été écartés pour leur opposition présumée à la transition. D’autres officiers, envoyés en Russie pour un stage en 2023, ont été accusés d’intentions de conspiration à leur retour et radiés.
Ces radiations représentent une réorganisation sans précédent, mais elles soulèvent des préoccupations quant à l’affaiblissement de l’armée burkinabè face aux menaces terroristes dans le Sahel. L’exclusion d’officiers expérimentés pourrait nuire à la cohésion de l’institution militaire et, par extension, à la sécurité nationale.
Surveillance et Répression Numérique : Une Nouvelle Dynamique de Contrôle
Parallèlement aux purges militaires, le régime a instauré un climat de répression en ligne, orchestré par des groupes pro-régime tels que les « Bataillons d’Intervention Rapide de la Communication » (BIR C). Des pages influentes comme « Anonymous Élite Alpha », comptant 178 000 abonnés, ciblent les critiques du régime et incitent les proches de ces derniers à se désolidariser publiquement. Cette surveillance numérique, qui dépasse les frontières des réseaux sociaux, s’accompagne parfois de harcèlement physique.
En septembre, par exemple, les enfants de l’ancien ministre Djibrill Bassolé, critique envers la junte, ont été enlevés après que leur père eut pris position contre le gouvernement. Cette combinaison de répression numérique et de coercition physique crée un climat de peur et de contrôle social qui dissuade les voix dissidentes de s’exprimer.
Disparitions et Détentions Extrajudiciaires : La Machine Répressive
Sous la gouvernance de Traoré, les disparitions et les détentions secrètes se sont multipliées. Des figures critiques, comme l’imam Mahamadou Diallo, ont disparu après avoir dénoncé la gestion sécuritaire du régime. En avril 2023, Diallo a été enlevé par des hommes en uniforme, et sa famille n’a depuis reçu aucune nouvelle. Les témoignages indiquent que les détenus sont souvent conduits dans des villas sécurisées à Ouaga 2000, où ils subissent des interrogatoires musclés et demeurent isolés de leurs proches.
Ce type de détention extrajudiciaire, utilisé pour contrôler les critiques du régime, suscite des inquiétudes croissantes parmi les défenseurs des droits humains. Ces pratiques, couplées à la surveillance en ligne, renforcent l’emprise de Traoré sur la société burkinabè.
Effets Économiques et Implications Régionales
Outre ses répercussions politiques, la stratégie répressive de Traoré pourrait nuire aux relations économiques et diplomatiques du Burkina Faso. Le secteur minier, essentiel à l’économie du pays, est marqué par une incertitude croissante face à ces purges internes. Des sociétés internationales, comme le canadien Iamgold et le britannique Endeavour Mining, ont exprimé des préoccupations sur la sécurité de leurs opérations dans un contexte de tensions internes et de pressions fiscales.
Sur le plan régional, les États voisins, également confrontés aux menaces terroristes, observent avec appréhension la montée des tensions au Burkina Faso. Les observateurs s’inquiètent d’une potentielle déstabilisation dans la région du Sahel, déjà en proie aux conflits et à l’insécurité. Des organisations internationales exhortent la junte à respecter les droits de l’homme pour éviter un isolement diplomatique qui pourrait nuire au développement socio-économique du pays.
Conclusion : Vers une Polarisation Sociale et Politique ?
La réorganisation militaire et la répression numérique orchestrées par Traoré visent à affermir son autorité sur le Burkina Faso. Cependant, cette politique de contrôle pourrait aggraver la polarisation au sein de l’armée et de la société civile, compromettant la stabilité à long terme. La communauté internationale s’interroge sur l’avenir du Burkina Faso, craignant que cette gouvernance autoritaire ne provoque un isolement accru et n’aggrave les tensions régionales dans un pays déjà confronté à des défis sécuritaires majeurs.
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