En files patientes jusque tard, le Botswana a voté mercredi pour désigner son président et son Parlement, avec le sortant Mokgweetsi Masisi donné largement favori face à une opposition en rangs dispersés qui laisse de la marge au parti au pouvoir depuis près de 60 ans.
Les longs cordons d’électeurs, attendant parfois plusieurs heures, témoignaient d’une haute participation pressentie parmi le plus d’un million d’inscrits dans ce pays riche en diamants où les résultats sont attendus tard jeudi soir.
Après 19h00 et l’horaire annoncé de fermeture des urnes mercredi, de nombreux Botswanais pouvaient encore se prononcer dans certains bureaux entre quatre candidats pour diriger la plus ancienne démocratie de la région, à condition de s’être présentés avant l’heure limite.
Depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1966, ce pays largement désertique d’Afrique australe demeure aux mains du Parti démocratique du Botswana (BDP).
“J’aimerais connaître un nouveau Botswana”, souffle Lone Kobe, 38 ans, devant un bureau de vote de la capitale Gaborone. “Un petit pourcentage de la population profite des avantages. Nous ne sommes que des spectateurs, comme si nous regardions un film”, ajoute cette travailleuse indépendante, dans ce pays aux fortes inégalités.
“On veut une vraie démocratie, des élections libres et équitables”, dit Muthisi Kemo, chômeur de 56 ans, en craignant des irrégularités de la part de la commission électorale, soupçonnée par l’opposition d’être favorable au parti au pouvoir.
Le chômage, qui a atteint 27% dans un contexte économique au ralenti, préoccupe les électeurs, tout comme les accusations de corruption et de mauvaise gestion du gouvernement.
L’éloquent président Mokgweetsi Masisi, 63 ans, a voté dans la matinée à Moshupa, son village situé une soixantaine de km à l’ouest de la capitale.
Il avait été élu en 2019 avec 52% des suffrages. Le mécontentement d’une partie de la population à l’endroit du gouvernement peut-il se traduire dans les urnes? Le BDP part grand favori, en raison notamment de la division de l’opposition, mais certains experts évoquent la possibilité qu’il perde pour la première fois sa majorité absolue au Parlement.
– Opposition divisée –
“Je ne souhaite pas un Parlement sans majorité. Mais dans les autres pays, quand ça arrive, les partis négocient”, a répondu le président Masisi à la presse qui l’interrogeait sur cette éventualité.
Tout en reconnaissant la diminution des réserves de change et la baisse de la demande mondiale de diamants, concurrencés par des pierres de synthèse, il a livré son remède: “Nous comptons y réagir en distribuant de l’argent aux citoyens et en construisant des infrastructures”.
“Le BDP a fait de grandes choses pour le pays”, opine Mompati Seekano, chômeur de 57 ans, dans le même bureau de vote. Mais Khumo Mase, 21 ans et qui vote pour la première fois, relève que beaucoup de jeunes s’abstiennent: “Ils pensent que leur vote ne comptera pas, que le système est biaisé”.
L’opposition est menée par une coalition de gauche, l’Umbrella for Democratic Change (UDC), dirigée par Duma Boko, 54 ans, avocat des droits humains.
Mais ses chances de victoire se sont envolées quand ses deux principaux partenaires de l’opposition – le Botswana Congress Party (BCP) et le Botswana Patriotic Front (BPF) – ont décidé de présenter leurs propres candidats à la présidence. La fragmentation de l’opposition est presque rédhibitoire dans le scrutin uninominal à un tour du Botswana.
Avec 61 sièges de députés à pourvoir, le premier parti à obtenir 31 sièges sera déclaré vainqueur et installera son candidat à la présidence.
Le charismatique ancien président Ian Khama, 71 ans, prédécesseur de M. Masisi, a fait un retour surprise dans la campagne, du côté de l’opposition.
Mais son influence, si elle ne doit pas être sous-estimée, se limiterait à quelques districts, notamment du centre, où il est chef de tribu, avancent les analystes.
“Les citoyens ont l’impression de ne pas profiter pleinement des richesses minières du pays”, note Tendai Mbanje, chercheur au Centre africain pour la gouvernance, bien que ces revenus aient permis à l’Etat de construire écoles, hôpitaux et infrastructures modernes.
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