Goma, RD Congo – à Goma et Kinshasa, Etats-Unis appellent leur ressortissants à quitter le pays, réaction UE aux attaques d’ambassades – D’intenses combats ont laissé des rues jonchées de cadavres à Goma, principale ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), déjà largement aux mains du groupe armé antigouvernemental M23 et des troupes rwandaises qui ont conquis mardi l’aéroport, moins de deux jours après leur entrée dans la ville.
A Kinshasa, des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda accusé par les autorités congolaises de leur avoir “déclaré la guerre”, du Kenya et aussi de la France, de la Belgique et des Etats-Unis, des pays critiqués pour leur inaction dans cette crise.
Les Etats-Unis ont réagi dans la foulée en appelant leurs ressortissants à quitter la RDC, tandis que l’Union européenne a jugé ces attaques “inacceptables”.
Pour tenter de dénouer la crise, le Kenya a convoqué mercredi une rencontre entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame.
L’est de la RDC est secoué par des conflits entre groupes armés, en particulier depuis le génocide rwandais de 1994, qui a exacerbé les tensions entre la RDC et le Rwanda, notamment autour de Goma, adossée au Lac Kivu et à la frontière rwandaise. Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de la région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes qui lui sont hostiles.
Mardi, le M23 et les soldats rwandais semblaient avoir largement pris le contrôle de Goma, cité de plus d’un million d’habitants et presque autant de déplacés. Et ce deux jours après y être entrés, point d’orgue d’une progression éclair de quelques semaines lancée après l’échec mi-décembre d’une médiation RDC-Rwanda sous l’égide de l’Angola.
– “Déluge de feu” –
Le M23 – qui depuis sa résurgence fin 2021 s’est emparé de vastes pans de territoires dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale – et ses alliés des forces rwandaises ont pris mardi le contrôle de l’aéroport, a annoncé à l’AFP une source sécuritaire, renforçant l’impression d’une chute imminente de la totalité de la ville.
Le gouvernorat, siège de l’autorité provinciale, est également occupé, a constaté un journaliste de l’AFP. “Plus de 1.200 militaires congolais se sont rendus et sont cantonnés dans une base de la Monusco (mission de l’ONU en RDC) à l’aéroport”, a ajouté cette source
“Goma s’apprête à tomber”, avait prévenu dès lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Mardi, les combattants du M23 étaient postés devant le gouvernorat, a constaté l’AFP. Selon des habitants, ils sont disciplinés mais demandent aux civils de leur montrer leurs épaules nues, traquant d’éventuelles marques de sangle de fusil laissées sur la peau.
Dans le centre-ville, les rues sont jonchées d’uniformes, de bottes et de gilets pare-balle abandonnés par les forces de Kinshasa, décrit une source humanitaire sous couvert de l’anonymat.
Cloîtrés chez eux lundi, certains sous le “déluge de feu” des combats, notamment dans le centre-ville, les habitants ont timidement réarpenté les rues de la ville mardi entre miliciens du M23 triomphants et soldats congolais en débandade, ont constaté des journalistes de l’AFP.
– Viols, pillages et pénuries –
De nombreux cadavres de soldats ou de civils gisaient dans les rues, où des habitants pressaient le pas vers les entrepôts de denrées alimentaires et produits de première nécessité, alors que l’eau et l’électricité sont coupées dans toute la ville.
Viols, pillages, pénuries alimentaire, risque de dissémination du virus Ebola, du choléra ou de la rougeole… les combats ont bien d’autres conséquences dévastatrices à Goma et dans ses environs, ont souligné l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Lundi, plusieurs hôpitaux de Goma avaient fait état d’au moins 17 morts et 367 blessées dans les combats au cours des deux jours précédents.
Plusieurs affrontements ont été signalés le long de la frontière lundi, notamment dans les environs de Gisenyi – au Rwanda – où 5 civils ont été tués et 25 personnes grièvement blessées, a indiqué l’armée rwandaise, sans fournir d’éclaircissements sur les circonstances.
L’armée sud-africaine a elle annoncé la mort de quatre soldats supplémentaires dans les combats dans l’est de la RDC, portant à 17 les membres de la force régionale d’Afrique australe (SAMIRDC) et de la mission onusienne (Monusco) tués ces derniers jours dans des combats contre le M23.
La Commission européenne a annoncé mardi une aide humanitaire d’urgence de 60 millions d’euros en faveur des populations déplacées en RDC.
L’Allemagne a elle mis mardi sur pause des discussions avec Kigali sur son aide au développement, exigeant du pays africain et de ses alliés du M23 qu’ils retirent leurs forces de l’est de la RDC.
Le président congolais Félix Tshisekedi ne s’est pas exprimé depuis le début de la crise. Son gouvernement a assuré lundi vouloir “éviter le carnage”.
Dans l’est de la RDC, riche en ressources naturelles, les conflits et les rébellions s’enchaînent depuis plus de trente ans. Goma avait été brièvement occupée fin 2012 par le M23, né cette année-là et vaincu militairement l’année suivante.
© Agence France-Presse