Résumé :
Après une absence de quarante-neuf jours, le président camerounais Paul Biya est rentré à Yaoundé, ravivant les spéculations sur sa santé et les tensions politiques internes. Durant son séjour en Suisse, des rumeurs persistantes sur son état de santé ont circulé, alimentant l’inquiétude tant au sein de son entourage que parmi la population. Malgré son retour, des interrogations demeurent sur la stabilité politique du Cameroun et la gestion des affaires de l’État.
Retour de Paul Biya après 49 jours d’absence
Yaoundé — Le président Paul Biya, 91 ans, a atterri à Yaoundé le 21 octobre, après un séjour prolongé en Suisse de quarante-neuf jours. Son retour, accompagné de son épouse Chantal Biya et de plusieurs hauts responsables, dont Samuel Mvondo Ayolo, directeur de cabinet civil, a mis fin à plusieurs semaines d’incertitude et de spéculations. Toutefois, cette arrivée ne dissipe pas les interrogations sur son état de santé.
Pendant son séjour en Suisse, Biya avait annulé plusieurs engagements internationaux, y compris sa participation au sommet des Nations unies et à la réunion de la Francophonie. Ces annulations, combinées à son hospitalisation dans une clinique privée, ont intensifié les rumeurs concernant sa capacité à continuer de gouverner.
Rumeurs et silence officiel
Les inquiétudes concernant la santé de Biya ont culminé après que des rumeurs infondées ont circulé sur les réseaux sociaux, annonçant son décès. Diffusées par des groupes de sécessionnistes camerounais anglophones, ces fausses informations ont ravivé des souvenirs d’autres dirigeants dont la maladie fut longtemps dissimulée, tels que Georges Pompidou ou Léonid Brejnev. Le gouvernement camerounais a répondu en interdisant tout débat public sur la santé du président, une mesure visant à contrôler la propagation des rumeurs.
Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a précisé que ces débats relevaient de la sécurité nationale, renforçant ainsi la position de Yaoundé contre toute spéculation. Toutefois, ce manque de transparence a contribué à entretenir la méfiance et l’incertitude au sein de la population.
Tensions internes dans le cercle présidentiel
Au-delà des rumeurs publiques, des tensions ont éclaté au sein du cercle rapproché de Paul Biya. Chantal Biya, première dame, aurait critiqué certains collaborateurs pour avoir divulgué des informations sur l’état de santé du président. En particulier, Samuel Mvondo Ayolo, directeur de cabinet, a été accusé d’avoir transmis des détails confidentiels à des tiers. D’autres membres influents de l’entourage, comme Joseph Fouda, ont également été impliqués dans des tensions persistantes.
Ces disputes internes se sont ajoutées à des problèmes financiers liés au séjour du président en Suisse. Traditionnellement financés par la Société nationale des hydrocarbures (SNH), les déplacements présidentiels ont cette fois rencontré des difficultés, obligeant l’intervention d’agents financiers envoyés d’urgence à Genève pour régulariser la situation. Le couple présidentiel a ensuite quitté discrètement Genève pour une résidence privée à proximité du lac Léman.
Implications politiques et économiques
Alors que ces tensions internes se poursuivaient, des discussions cruciales sur le budget 2024 ont eu lieu à Genève entre Biya et des hauts responsables, dont Louis-Paul Motaze, ministre des Finances, et Marcel Niat Njifenji, président du Sénat. Ces réunions visaient à finaliser les priorités budgétaires avant les sessions parlementaires prévues pour novembre.
Les inquiétudes autour de l’élaboration du budget sont partagées par les agences internationales. L’incertitude concernant la santé du président a eu un impact sur la perception du Cameroun par les marchés financiers, augmentant les craintes d’instabilité politique alors que le pays fait face à des échéances imminentes de remboursement de sa dette extérieure.
Enjeux pour la stabilité future
La capacité de Paul Biya à poursuivre efficacement ses fonctions reste en question. Bien qu’il ait maintenu des réunions avec ses collaborateurs depuis Genève, son absence prolongée et son état de santé incertain ont exacerbé les divisions politiques au sein de son entourage. Des réaffectations de responsabilités ont eu lieu, le Premier ministre Joseph Dion Ngute ayant pris en charge certains dossiers clés.
Alors que le Cameroun se prépare pour les sessions parlementaires à venir, le climat politique demeure tendu, avec des interrogations croissantes sur la succession à la présidence. Le retour de Paul Biya, bien que significatif, ne semble pas avoir apporté la clarté attendue concernant la direction future du pays.
© Odon Bulamba / ADR