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L’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, le 17 mars 2020. © ISSOUF SANOGO / AFP

Résumé :
Le gouvernement ivoirien a dissous, le 17 octobre 2024, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), en réaction à plusieurs actes violents, notamment les meurtres de deux membres du syndicat. Cette décision marque la fin d’un mouvement influent et controversé, souvent accusé de pratiques mafieuses et de brutalités sur les campus. Les autorités ont également renforcé les mesures de sécurité en expulsant des milliers d’étudiants occupant illégalement des logements et en démantelant des infrastructures illicites sur les campus.


Abidjan — Le 17 octobre 2024, les autorités ivoiriennes ont officiellement dissous toutes les associations syndicales estudiantines, dont la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), à la suite de graves violences internes. La Fesci, fondée en 1990 et longtemps considérée comme le plus grand syndicat étudiant du pays, a vu plusieurs de ses membres inculpés dans des affaires criminelles, dont deux meurtres ayant conduit à l’arrestation de 17 personnes, parmi lesquelles Sié Kambou, secrétaire général du syndicat élu en décembre 2023.

La décision a été prise lors d’une réunion du Conseil national de sécurité (CNS) en réaction à ces événements tragiques. « Ces actes inacceptables ne pouvaient plus être tolérés », a indiqué le président Alassane Ouattara, exprimant ses condoléances aux familles des victimes.

Contexte de violence et affrontements internes
La Fesci a souvent été au centre de violences sur les campus universitaires, et la récente série de meurtres a ravivé les tensions. Le premier incident concerne la mort de Mars Aubin Deagoué, alias « Général Sorcier », étudiant en master et membre influent de la section Fesci d’Abobo, tué dans des circonstances troubles après un conflit prolongé avec Sié Kambou. La seconde affaire porte sur Diomandé Khalifa, un autre étudiant, décédé après avoir été passé à tabac en août dernier.

Ces événements ne sont pas isolés. Depuis sa création, la Fesci a été accusée à plusieurs reprises de recourir à des méthodes violentes et de pratiquer l’intimidation et le racket au sein des universités. En 1991, une première tentative de dissolution par Alassane Ouattara, alors Premier ministre, avait échoué, et la Fesci avait retrouvé sa légitimité en 1997 sous le régime d’Henri Konan Bédié. Malgré cette réhabilitation, le syndicat a continué à se distinguer par des affrontements sanglants, notamment lors de la « guerre des machettes » au début des années 2000, où des factions étudiantes armées de machettes se sont violemment opposées.

Opérations de sécurisation des campus
Dans le cadre des mesures visant à rétablir l’ordre sur les campus universitaires, les autorités ont procédé à plusieurs opérations d’expulsion. Plus de 5 000 individus ont été délogés de cités universitaires à Abidjan, Bouaké et Daloa, où la Fesci avait pris le contrôle de nombreux logements qu’elle louait de manière illégale. Les forces de l’ordre ont également saisi une grande quantité d’armes blanches et découvert des infrastructures clandestines, incluant des fumoirs, une maison close et un tunnel utilisé pour des tortures.

Ces découvertes viennent corroborer les critiques récurrentes sur l’influence « mafieuse » exercée par la Fesci sur les campus. Depuis plusieurs années, l’organisation gérait certains campus comme un réseau parallèle, imposant sa loi par la violence et exerçant un contrôle strict sur les résidences universitaires.

Impacts politiques et sociaux de la Fesci
L’histoire de la Fesci est intrinsèquement liée à la politique ivoirienne. Pendant les années de crise politico-militaire, le syndicat s’est rangé du côté de Laurent Gbagbo, devenant un outil de mobilisation et de violence au service de son régime. Plusieurs figures politiques actuelles, dont Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale, ont fait leurs armes au sein de ce syndicat. Malgré sa dissolution, la Fesci a montré sa capacité à renaître après des périodes de clandestinité, comme ce fut le cas après sa première dissolution en 1991.

La question demeure cependant : cette nouvelle dissolution permettra-t-elle de rétablir durablement la paix sur les campus ? Si le ministre de l’Enseignement supérieur, Adama Diawara, a annoncé des réformes et des travaux de réhabilitation dans plusieurs universités, certains observateurs restent sceptiques sur l’efficacité de ces mesures pour prévenir de nouvelles violences.

Un avenir incertain pour les syndicats étudiants
L’interdiction des syndicats étudiants pourrait soulever des tensions supplémentaires. Si certains estiment que cette décision était nécessaire pour mettre fin à l’ultra-violence régnant sur les campus, d’autres s’inquiètent des conséquences potentielles. « Dissoudre la Fesci ne résout pas le problème de fond », a déclaré Antoine Tiémoko Assalé, député indépendant, appelant à une enquête plus large sur le fonctionnement des universités ivoiriennes. Il a également demandé la démission du ministre de l’Enseignement supérieur, accusé d’avoir négligé ses responsabilités.

© Odon Bulamba / ADR

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