OUAGADOUGOU — Le Burkina Faso a ordonné le rappel de son personnel diplomatique en Côte d’Ivoire, alimentant les spéculations sur une détérioration croissante des relations entre les deux voisins ouest-africains. Cette décision surprise marque un nouveau chapitre dans l’escalade des tensions diplomatiques entre les deux pays.
Le 30 septembre, Dieudonné Désiré Sougouri, directeur de cabinet du ministre burkinabè des Affaires étrangères, a convoqué Justine Gosse, la chargée d’affaires de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Ouagadougou, pour obtenir des explications sur ce qu’il a décrit comme le « silence des autorités ivoiriennes » concernant une déclaration de l’Alliance de la jeunesse ivoirienne. Le groupe s’était opposé à l’organisation d’une journée de mobilisation patriotique à Abidjan, sans que la Côte d’Ivoire en soit informée.
Le ministère burkinabè des Affaires étrangères, dirigé par Karamoko Jean-Marie Traoré, avait envoyé une lettre à la mi-septembre, demandant à tout le personnel diplomatique du Burkina Faso en Côte d’Ivoire, y compris les consulats d’Abidjan et Bouaké, de rentrer au pays. Le personnel administratif, cependant, devait rester en poste.
Un choc pour les diplomates
Cette décision inattendue a bouleversé les diplomates burkinabè, dont certains avaient déjà inscrit leurs enfants dans des écoles ivoiriennes pour la rentrée scolaire. Le retour imminent de Traoré de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York pourrait apporter des clarifications, mais les autorités ivoiriennes ont, pour leur part, affirmé qu’elles n’avaient pas été informées de ce rappel.
Les relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, historiquement cordiales, se sont détériorées après une série d’incidents. Le dernier ambassadeur ivoirien à Ouagadougou, Kapieletien Soro, a quitté son poste en septembre 2021, et l’ambassadeur burkinabè à Abidjan, Mahamadou Zongo, est parti en novembre 2022, sans qu’aucun des deux pays ne nomme de remplaçant.
Accusations mutuelles de déstabilisation
Cette nouvelle crise survient alors que la Côte d’Ivoire a convoqué début septembre le chargé d’affaires burkinabè pour discuter de la découverte, par les services de renseignement ivoiriens, d’un camp de formation de soldats démobilisés ivoiriens à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Ces hommes seraient entraînés pour des opérations de déstabilisation en Côte d’Ivoire, une allégation que Ouagadougou a fermement niée.
De son côté, le gouvernement burkinabè accuse Abidjan de protéger des opposants politiques et des activistes qui cherchent à déstabiliser le Burkina Faso. Le 23 septembre, le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamoudou Sana, a réitéré que la Côte d’Ivoire hébergeait des individus impliqués dans une « entreprise de subversion » contre le Burkina Faso.
Un passé de coopération désormais lointain
Les deux pays, autrefois alliés, avaient signé en 2008 un Traité d’amitié et de coopération (TAC) pour promouvoir des conseils de ministres conjoints et collaborer sur des questions telles que la lutte contre le terrorisme et le commerce transfrontalier. Cependant, depuis le coup d’État au Burkina Faso en 2022, qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir, les relations ont plongé dans l’incertitude.
En janvier dernier, deux gendarmes ivoiriens ont été brièvement détenus au Burkina Faso avant d’être relâchés. Un autre incident, impliquant deux soldats burkinabè arrêtés en Côte d’Ivoire en mars, avait également contribué à tendre les relations. Ces événements s’inscrivent dans un contexte où la zone frontalière entre les deux pays, poreuse et instable, reste un terrain propice aux incursions jihadistes.
La situation actuelle laisse planer des doutes sur une normalisation rapide des relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, deux pays liés par des décennies de coopération mais désormais en proie à des tensions croissantes.
Odon Bulamba
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