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Bukavu, RD Congo – Un miroir sans tâche jusqu’à l’horizon. Les embarcations ont disparu sur le lac Kivu depuis la prise de Goma par le groupe armé M23 et l’armée rwandaise, compromettant les échanges commerciaux avec Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo.

Situées chacune à une extrémité du lac, les villes de Goma, désormais occupée, et celle de Bukavu, toujours sous le contrôle de Kinshasa, ont perdu leur connexion lacustre alors que l’unique route terrestre rejoignant les deux villes est coupée par la ligne de front.

Les conquérants de la ville et l’armée congolaise se font désormais face de part et d’autre du lac, et ont chacun interdit la navigation sur le lac, craignant une attaque amphibie.

“Habituellement, on peut avoir au moins soixante bateaux qui naviguent régulièrement sur le lac Kivu entre Bukavu et Goma et vice versa”, mais désormais, “tout est à l’arrêt”, raconte Lueni Ndale, responsable pour une compagnie de navigation qui opère sept bateaux et emploie une vingtaine d’agents, mis au chômage technique.

Or, “Bukavu dépend des produits vivriers en provenance de Goma, comme le maïs, les pommes de terre ou les haricots”, cultivés dans les terres fertiles de la province du Nord-Kivu dont Goma est la capitale, rappelle-t-il.

– “Le petit peuple” –

Et les commerçants sont les premiers touchés par ces restrictions. Le marché Beach Muhanzi, situé à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, est inhabituellement calme.

Pour tuer l’ennui, Jeanne, mère de six enfants, a entrepris de tresser les cheveux d’une de ses camarades. “Je n’ai rien d’autre à faire”, lâche-t-elle, dépitée: “Mon dépôt est presque vide et les prix des produits ont grimpé”.

Selon elle, le prix du sac de 100 kgs de farine de manioc est passé de 80 à 100, voire 120 dollars. “Si la situation persiste, on sera obligé d’aller nous ravitailler en produits vivriers au Rwanda” voisin, craint-elle.

Kambale, soixante ans révolus, se tourne également les pouces devant son dépôt de farine au stock déjà épuisé.

“C’est difficile de nourrir mes dix enfants, et payer les frais de scolarité devient un casse-tête”, maugrée-t-il.

“Nous demandons aux autorités de penser à nous, le petit peuple, en finissant le plus vite possible cette guerre”.

Vincent Kasali, un autre commerçant, explique que depuis la prise de Goma la semaine dernière, certains vont chercher leurs produits dans la région de Katana, une localité située à 50 km au nord de Bukavu et proche de la ligne de front, malgré les risques.

“C’est une zone fortement militarisée, le prix du transport est plus élevé, explique-t-il.

A Katana, les commerçants peuvent encore se procurer des haricots, même s’ils sont loin d’être les plus prisés. “Nos clients sont habitués aux haricots de Goma, qu’ils jugent meilleurs”, souligne M. Kasali.

Les haricots de Katana “nous donnent des maux d’estomac” peste Justine Rubirindi, ménagère et mère de six enfants, venue s’approvisionner au marché.

Mais eux au moins sont disponibles, et elle en achète une “mesurette” dont le prix est passé de 2.000 à 5.000 francs congolais (soit une augmentation d’environ un dollar) avec la prise de Goma. Sans cacher son désarroi: “Ça ne va même pas suffire à ma famille”.

© Agence France-Presse

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