Paris, France – (AFP) – Du jamais vu sous la Ve République, quatre Premiers ministres, et autant de méthodes pour tenter de trouver une majorité à l’Assemblée nationale, seront passés par Matignon en un an, chacun avec son style mais avec des soutiens de plus en plus fragiles.
Le patron du MoDem François Bayrou succède vendredi à l’ancien ministre de droite Michel Barnier démis par la censure au bout de seulement trois mois.
Avec pour mission selon l’Elysée de poursuivre le dialogue entamé avec les forces politiques pour “trouver les conditions de la stabilité et de l’action”. La gauche a proposé lors d’une réunion mardi autour du président que le gouvernement renonce au 49.3 pour faire passer une loi sans vote, en échange d’une non-censure.
– Barnier, le “montagnard” –
L’ancien ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, loué pour son expérience de négociateur du Brexit, est nommé le 5 septembre, chargé de trouver une majorité impossible dans une Assemblée fracturée en trois blocs depuis les législatives.
Censuré le 4 décembre par les voix jointes des députés de la gauche et de l’extrême droite, avec laquelle il a tenté en vain de discuter, Michel Barnier savait ses jours comptés. Outre l’absence de majorité, il avait été contraint par Bruxelles de présenter un budget d’économies pour combler un lourd déficit.
Il a vu aussi sa méthode “d’écoute, de respect, de dialogue” mise en échec face aux demandes contradictoires des oppositions et de sa coalition de la droite et du centre, traversée par des dissensions.
Cultivant un style sobre et “old fashion”, l’ex-Premier ministre le plus âgé de la Ve République aimait à 73 ans (quatre mois de plus que François Bayrou) se présenter comme “un montagnard” qui avance “pas à pas” et “sans esbroufe”, quand son prédécesseur, Gabriel Attal, communiquait beaucoup.
– Attal, le “roi de la com'”
Le macroniste Gabriel Attal, nommé le 9 janvier au terme d’une ascension spectaculaire, a été coupé dans son élan par la dissolution, même s’il a gagné un sursis rue de Varenne puisque Emmanuel Macron n’a accepté sa démission que le 16 juillet.
Il a géré ensuite les “affaires courantes” du pays pendant plusieurs semaines à la faveur des Jeux olympiques.
Auréolé d’un profil plus “politique” et communicant, qu’Elisabeth Borne, le plus jeune Premier ministre de la Ve République, âgé de 35 ans, impose dès la passation sa marque: se déplacer souvent, s’exprimer beaucoup.
Trop selon certains, s’attirant les foudres des oppositions qui l’accusent d’accaparer les médias et de “baratiner” et de n’être que le “roi de la com'”.
Passé du socialisme au macronisme, il emprunte des codes sarkozystes – la “France qui se lève tôt” et “l’autorité” à l’école -, pour tenter de séduire la droite au-delà de sa majorité relative, plus large à l’époque que le “socle commun” de Michel Barnier.
– Borne, la “bâtisseuse” –
Elisabeth Borne, nommée le 16 mai 2022, âgée de 63 ans, est la deuxième femme à accéder à Matignon depuis Edith Cresson.
Mais elle n’a pas survécu à deux projets de loi imposés dans la douleur, avec le soutien fluctuant et partiel de la droite, sur les retraites et sur l’immigration, ce dernier ayant été adopté avec les voix de l’extrême droite.
Femme de dossiers peu portée sur la communication, elle se présentait comme une “infatigable bâtisseuse” de “majorités de projets”, se disant prête “à amender” ses textes, habitée par une histoire personnelle douloureuse qui lui faisait tout supporter, sans “assignation”.
“Notre démarche tient en trois mots: dialogue, compromis, ouverture”, disait-elle, citant régulièrement l’ancien Premier ministre Michel Rocard, privé lui aussi de majorité en 1988, et qui visait des “majorités stéréo”, une fois avec la droite modérée, une autre fois avec les communistes.
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