Résumé
Alors que Paul Biya, l’un des plus anciens chefs d’État en Afrique, approche de la fin de son règne, les dirigeants africains doivent se préparer à la transition inévitable du pouvoir. Leur défi : assurer la stabilité de leurs nations au-delà de leur propre mandat.
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Le 22 septembre 2016, Paul Biya, alors âgé de 83 ans, sortait de la 71e Assemblée générale des Nations unies. Derrière cette image de calme, une question se posait déjà : que se passera-t-il après son départ ? À 91 ans aujourd’hui, le président camerounais est à l’aube d’une transition qui inquiète son pays. Le 8 octobre 2024, une rumeur annonçant sa mort a secoué les Camerounais, bien qu’elle ait rapidement été démentie.
Pourtant, cette rumeur met en lumière un problème récurrent en Afrique : la gestion de la succession des chefs d’État qui restent trop longtemps au pouvoir. Le règne de Paul Biya, l’un des plus longs de l’histoire contemporaine, reflète un phénomène courant : l’absence de préparation à la transition politique, qui peut avoir des conséquences désastreuses sur la stabilité d’un pays.
La Transparence, une Nécessité pour la Stabilité
La santé d’un président n’est pas seulement une affaire privée. Lorsqu’elle affecte la stabilité du pays, la transparence devient une obligation. En refusant de rendre public son état de santé, Paul Biya suit une tradition bien connue en Afrique, où les dirigeants dissimulent leur affaiblissement physique, créant ainsi un climat de suspicion et d’incertitude. Cette opacité a nourri des crises politiques dans des pays comme l’Algérie sous Abdelaziz Bouteflika ou le Zimbabwe sous Robert Mugabe, deux dirigeants qui ont choisi de rester au pouvoir malgré de graves problèmes de santé.
Certains leaders africains ont toutefois compris l’importance de la transparence. Patrice Talon, au Bénin, a fait preuve d’ouverture en communiquant publiquement sur ses opérations médicales. Cela montre que les chefs d’État peuvent renforcer la confiance du public en étant honnêtes sur leur état de santé, tout en assurant une transition en douceur.
Leçons pour les Dirigeants Africains
La situation actuelle de Paul Biya offre des enseignements essentiels à d’autres dirigeants africains qui occupent le pouvoir depuis longtemps. Voici quelques conseils clés pour éviter l’instabilité et garantir une transition pacifique :
1. Accepter la Finitude : Le Pouvoir n’est pas Éternel
Tout dirigeant doit reconnaître que son pouvoir est temporaire. Gouverner, c’est aussi savoir partir avec dignité, et préparer la relève. Nelson Mandela, après un seul mandat, a prouvé qu’il est possible de quitter le pouvoir tout en restant une figure respectée. Ne pas accepter cette réalité conduit à l’érosion de la légitimité, et parfois, à des crises internes.
2. Préparer la Succession : Un Acte de Vision
Un leader sage prévoit la transition bien avant que cela ne devienne une urgence. Un manque de préparation peut provoquer des luttes intestines au sommet de l’État, comme cela s’est produit en Libye après la mort de Mouammar Kadhafi. En revanche, le Ghana est un exemple où les transitions pacifiques se sont bien déroulées grâce à des institutions solides.
3. Renforcer les Institutions, Pas les Personnalités
Les pays prospères reposent sur des institutions solides, et non sur des dirigeants individuels. Le Rwanda, sous Paul Kagame, a investi dans des institutions résilientes qui pourront, en théorie, continuer à fonctionner même après son départ. Les dirigeants doivent s’efforcer de construire un cadre institutionnel qui perdurera au-delà de leur mandat.
4. Écouter le Peuple : Maintenir la Légitimité
Les révoltes populaires en Tunisie et en Égypte ont montré que les dirigeants qui ne tiennent pas compte des besoins de leur peuple risquent des soulèvements. Maintenir un dialogue constant avec les citoyens est crucial pour garantir la stabilité. Des consultations régulières et un retour constant du peuple peuvent renforcer la légitimité d’un leader.
5. Investir dans la Jeunesse : Garantir l’Avenir
La jeunesse représente l’avenir du continent africain. Les dirigeants doivent investir dans l’éducation, la formation et l’emploi des jeunes pour garantir la stabilité à long terme. Les manifestations des jeunes au Nigeria et en Afrique du Sud montrent que négliger cette partie de la population peut déstabiliser un pays.
L’Héritage de Paul Biya et l’Avenir du Cameroun
La mort de tout chef d’État est inévitable, surtout après un long règne. Ce qui peut être évité, cependant, c’est le chaos qui peut en découler. Les dirigeants africains doivent tirer les leçons de l’exemple de Paul Biya et se préparer à une transition avant qu’il ne soit trop tard. Il ne s’agit pas de la durée au pouvoir, mais de la capacité à laisser un pays stable et prospère derrière soi. C’est cela qui définit un grand leader.
© Odon Bulamba / ADR