Rencontre avortée entre Tshisekedi et l’envoyé européen

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Le représentant spécial de l’UE pour la région des Grands Lacs, Johan Borgstam, a rencontré la vice-ministre des Affaires étrangères, Mme Grace Yamba Kazadi © Johan Borgstam/X

Kinshasa — Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a annulé une rencontre prévue avec Johan Borgstam, le représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour la région des Grands Lacs. Cette décision, prise à la dernière minute, soulève des questions sur l’état des relations entre Kinshasa et Bruxelles, alors que les deux parties sont en désaccord sur la gestion du conflit à l’Est de la RDC et le rôle controversé du Rwanda. Borgstam, présent à Kinshasa pour une visite officielle de trois jours, espérait renforcer la coopération régionale, mais cette annulation met en lumière un climat de méfiance entre l’UE et la RDC.


Une visite diplomatique qui tourne court

Nommé en juillet 2024, Johan Borgstam avait pour mission de faciliter les processus de paix régionaux, notamment à travers les initiatives de Luanda et Nairobi. Lors de sa visite à Kinshasa, il a rencontré plusieurs hauts responsables congolais, dont Gracia Yamba Kazadi, la vice-ministre des Affaires étrangères, et Sumbu Sita Mambu, haut représentant pour le processus de paix. Borgstam s’est aussi entretenu avec les ambassadeurs de l’UE et des États-Unis. Cependant, son audience prévue avec Félix Tshisekedi, fixée au 9 octobre, n’a pas eu lieu en raison d’un “problème d’agenda”, selon des sources à la présidence.

Cette annulation intervient dans un contexte de tensions croissantes entre la RDC et l’UE. Depuis plusieurs mois, Bruxelles peine à convaincre Kinshasa de sa neutralité concernant la gestion du conflit dans l’Est de la RDC, notamment la résurgence du groupe rebelle M23, soutenu par l’armée rwandaise.


Les tensions autour du Rwanda

Le désaccord entre Kinshasa et Bruxelles remonte à février 2024, lorsque l’UE a signé un protocole d’accord avec le Rwanda pour le développement des chaînes de valeur des minerais stratégiques. Cette initiative avait suscité de vives critiques du président Tshisekedi, qui a accusé Bruxelles de favoriser un « recel » des ressources minières de son pays. Selon Tshisekedi, la guerre dans l’Est de la RDC, soutenue par le Rwanda, vise principalement à exploiter illégalement les ressources minières, un point de désaccord majeur avec l’UE.

L’Union européenne a également rencontré une forte opposition à l’idée d’octroyer une aide de 20 millions d’euros à l’armée rwandaise, déployée au Mozambique pour lutter contre une insurrection jihadiste. Kinshasa voit d’un mauvais œil ce soutien à un pays qu’elle considère comme agresseur, une position partagée par plusieurs pays européens, notamment la Belgique, qui a bloqué le versement de ces fonds.


Un climat de méfiance persistante

Les relations diplomatiques entre l’UE et la RDC avaient déjà été mises à mal lors des élections générales de décembre 2023. L’UE, après avoir été autorisée à envoyer une mission d’observation électorale, avait finalement dû renoncer à son déploiement à trois semaines du scrutin, suite à des restrictions imposées par les autorités congolaises. Tshisekedi avait publiquement exprimé sa méfiance, accusant l’UE de vouloir « surveiller » les élections congolaises pour dicter les résultats.

En juillet 2024, l’Union européenne avait imposé des sanctions contre des acteurs clés impliqués dans le conflit de l’Est, notamment Corneille Nangaa, coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo, et des officiers de l’armée rwandaise soutenant le M23. Ces mesures n’ont toutefois pas suffi à dissiper les tensions. Kinshasa continue d’exiger des actions plus fermes de la communauté internationale contre le Rwanda, accusé d’entretenir l’insécurité à l’Est.


Perspectives incertaines

Alors que Johan Borgstam poursuivra sa tournée diplomatique avec une visite à Kigali, l’annulation de son audience avec Tshisekedi jette une ombre sur l’avenir des relations entre Kinshasa et Bruxelles. Les différends autour du rôle du Rwanda dans la région des Grands Lacs, couplés aux sanctions européennes et aux désaccords sur les questions minières, laissent peu de place à une réconciliation rapide.

L’UE se retrouve confrontée à un dilemme : comment continuer à soutenir le Rwanda dans ses efforts de sécurité au Mozambique tout en gérant les accusations d’implication de Kigali dans le conflit de l’Est de la RDC ? Pour l’instant, les tensions entre les deux parties semblent destinées à perdurer, sans solution immédiate en vue.

© O Bulamba / Africa Daily Report

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