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Charles Onana © Le Quotidien RDC

Jugé à Paris pour contestation du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, l’auteur franco-camerounais Charles Onana, qui s’en défend, a été accusé vendredi d’avoir “dépassé les limites de la liberté d’expression”, au dernier jour du procès dont le verdict sera rendu le 9 décembre.

Ce procès, qui s’est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, s’est achevé vendredi avec les plaidoiries des parties civiles, de la défense et les réquisitions du parquet contre le Franco-camerounais de 60 ans.

Le parquet s’en est remis à l’appréciation de la Cour pour l’éventuelle condamnation.

Charles Onana, 60 ans, qui se présente aussi comme politologue et journaliste d’enquête, s’est surtout fait connaître par ses écrits controversés sur le génocide des Tutsi au Rwanda.

En cause, une vingtaine de passages litigieux contenus dans un livre paru en octobre 2019 et intitulé “Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent”.

La procureure a dénoncé “une approche réductrice et erronée car elle omet délibérément la finalité (du génocide, NDLR): la destruction totale ou partielle du groupe tutsi”.

“Vous avez là tout l’arsenal négationniste”, a-t-elle conclu, estimant que l’auteur avait “clairement dépassé les limites de la liberté d’expression” en “minorant” et en “banalisant” l’existence du génocide contre les Tutsi.

Depuis 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus par la France et pas seulement celui des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.

C’est le deuxième procès devant la justice française pour “contestation de l’existence de crime contre l’humanité” au Rwanda.

Dans son livre, M. Onana dénonce notamment “le dogme ou l’idéologie du +génocide des Tutsi+”, et affirme que “le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs!”.

“La thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un +génocide+ au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle”, écrit-t-il encore.

Des propos qui ont déclenché une vive polémique et une plainte déposée en 2020 par les associations Survie, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH) contre M. Onana et son éditeur, Damien Serieyx des Editions du Toucan.

A la barre, Charles Onana a expliqué en début de semaine faire la différence “entre les civils tutsi qui ont été victimes d’un génocide et des rebelles qui mènent une action violente et qui ont conquis le pouvoir par la force des armes” en référence au Front patriotique rwandais (FPR, toujours au pouvoir à Kigali).

– “Brouillage des discours” –

Pour justifier la qualification d'”escroquerie” à propos de la “planification” du génocide, pourtant reconnue par plusieurs juridictions en France et à l’étranger, il a affirmé qu’elle renvoyait au FPR, “qui le met en avant dès le mois d’avril 94” sans pour autant “en apporter la preuve”.

Et d’insister sur l'”offensive menée par le FPR pour renverser le régime au pouvoir” à l’époque, comme “déclencheur” des événements qui ont suivi.

Le génocide commis en 1994 au Rwanda, à l’instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi mais aussi des Hutu modérés, selon l’ONU.

Certaines personnalités controversées assurent qu’un autre génocide, commis par les Tutsi du FPR, s’est déroulé en représailles contre les Hutu, voire que le FPR portait une responsabilité directe dans le déclenchement du génocide contre sa communauté.

Les témoins cités par la défense, en majorité d’anciens officiers rwandais et français présents sur place à l’époque, ont eux aussi insisté ces derniers jours sur le rôle du FPR avant et pendant le génocide.

“L’argument qui consiste à dire qu’il y a une vérité incomprise” et “à parler de la complexité des massacres interethniques au Rwanda” participe d’un “brouillage des discours”, a fustigé vendredi Rachel Klein, avocate de l’association Ibuka, partie civile.

“Les génocidaires aussi tenaient ce discours”, a-t-elle dit.

Charles Onana fait preuve de “négationnisme pur et simple”, lorsqu’il utilise presque systématiquement les guillemets en écrivant le mot “génocide”, ou lorsqu’il le qualifie de “dogme” ou d'”idéologie”, insinuant ainsi qu’il “s’agit de croyances, par définition opposées à la science”, a déclaré Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra, également partie civile.

La “négation de la planification” est un autre procédé utilisé par Charles Onana, a-t-elle ajouté, or la planification est “un élément constitutif” du crime de génocide.

© O Bulamba, ADR / AFP

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