Bamako — Le partenariat entre l’armée malienne et le groupe russe Wagner montre des signes de tension croissante, malgré une récente opération conjointe dans le nord du Mali. Tandis que Bamako et ses alliés russes ont officiellement salué le succès de leur mission, des critiques ouvertes du côté de Wagner pourraient remettre en question cette coopération stratégique.
Un succès officiel, mais limité
Le 9 octobre, une opération militaire conjointe entre les Forces armées maliennes (Fama) et le groupe Wagner a permis de récupérer les corps de plusieurs combattants tombés lors de la bataille de Tinzawaten, dans le nord du Mali. Sur les chaînes Telegram liées à Wagner, un communiqué a qualifié cette mission de réussite, saluant la coordination avec les Fama.
Cependant, les objectifs principaux, notamment d’affronter les groupes armés touaregs et jihadistes affiliés à l’État islamique et à Al-Qaïda, n’ont pas été atteints. Malgré les déclarations officielles, l’opération, baptisée “Vengeance”, n’a pas abouti à des combats d’envergure comme cela avait été prévu.
Critiques du côté de Wagner
Dans une série de messages publiés sur Telegram, des comptes affiliés à Wagner ont exprimé leur frustration face à l’organisation de l’opération. Les mercenaires russes ont reproché aux gradés maliens des retards, affirmant que l’opération aurait pu démarrer bien plus tôt si les Fama avaient fourni le carburant nécessaire. En outre, Wagner a pointé du doigt le manque de discrétion des soldats maliens, qui publiaient leurs positions sur les réseaux sociaux pendant l’avancée vers le nord.
Ces critiques traduisent des tensions croissantes entre les deux forces, exacerbées par des divergences sur les méthodes de guerre et la gestion des opérations. « Les Russes ont du mal à supporter ce qu’ils considèrent comme un manque de professionnalisme de leurs alliés », a résumé un expert du groupe Wagner, ajoutant que ce ressentiment est réciproque du côté malien.
Révision stratégique en vue ?
Ces tensions pourraient conduire à une révision des engagements russes au Mali. Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulent sur la volonté de Wagner de réorganiser ses opérations en Afrique, avec un déplacement possible de ses ressources vers la Centrafrique, où le groupe est toujours actif.
Par ailleurs, l’armée malienne manifeste un intérêt croissant pour les opérations aériennes et l’utilisation de drones, un domaine où Wagner pourrait évoluer. Le groupe russe a déjà utilisé des drones de type Zala pour larguer de petites bombes dans le nord du Mali, mais la demande pour ces technologies ne cesse de croître face aux avancées des groupes jihadistes qui ont, eux aussi, recours à des drones commerciaux.
L’avenir du partenariat Mali-Wagner en question
Alors que le contrôle de l’espace aérien sahélien devient un enjeu crucial, notamment avec la montée en puissance des drones, les critiques internes pourraient modifier la nature de la coopération entre le Mali et Wagner. Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large de dépendance croissante des armées sahéliennes envers des partenaires extérieurs pour leur stratégie militaire.
En attendant, la relation entre Bamako et Wagner reste dans une phase délicate. Les mois à venir seront déterminants pour voir si ce partenariat peut surmonter les tensions ou s’il est voué à évoluer, voire à s’effondrer.
© Jacque Mitshima / ADR