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Plusieurs communautés de la région de Gao sont ciblées depuis un mois par des jihadistes de l\’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Entre 300 et 500 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées. Depuis le début de la bataille, il s\’agit du nombre de morts le plus élevé jamais enregistré.

Amnesty International s\’est inquiétée dans une étude publiée le 13 septembre que les groupes djihadistes recrutent un nombre croissant de jeunes garçons, en particulier dans la zone dite des trois frontières. Y a-t-il un changement dans l\’approche de certains groupes islamistes opérant au Sahel? Dans cette étude publiée le lundi 13 septembre, l\’organisation non gouvernementale Amnesty International a révélé que le Groupe de soutien à l\’islam et aux musulmans (GSIM), qui vit de la pauvreté, des pénuries alimentaires et du manque d\’opportunités économiques, recrute de plus en plus de personnes. Selon Ousmane Aly Diallo, chercheur pour l\’Afrique de l\’Ouest à Amnesty International et auteur de l\’étude, il s\’agit majoritairement de jeunes garçons qui ont abandonné l\’école. Dans la seule région de Tillabéri, gravement touchée par les attaques des groupes armés, plus de 300 écoles ont fermé. Ce n\’est pas sans ramifications. Depuis des semaines, les communautés de cette zone dite des « trois frontières », à cheval entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, sont le théâtre de certaines des atrocités civiles les plus meurtrières au Sahel depuis le début de la crise en 2012.

Des centaines de combattants massacrent des civils et l\’armée malienne fait peu pour les arrêter.

Selon de nombreuses sources locales et humanitaires, les membres de l\’État islamique au Grand Sahara (EIGS) mènent depuis le 8 mars une série d\’attaques violentes, au cours desquelles ils frappent \”sans discernement\”. Ils ont attaqué les villages de Tamalat, Inchinanane et Anderamboukane successivement, tuant des centaines de villageois dans le processus. Les combattants du groupe d\’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et du Mouvement pour le salut de l\’Azawad (MSA), groupes armés loyalistes touareg réputés proches du pouvoir central, signataires de l\’accord de paix d’Alger, les affrontent presque seuls, presque sans soutien de l\’armée régulière. Cependant, la force est de reconnaître que l\’Etat nigérien a adopté une approche singulière face à la question des enfants pris dans les conflits militaires. En 2017, l\’État et les Nations unies ont signé une convention exigeant que tous les jeunes capturés lors d\’opérations militaires soient remis aux autorités de protection de l\’enfance. De nombreux enfants victimes de violences dans le Bassin du Lac Tchad ou à Tillabéri ont ainsi été orientés vers ces services.

Pendant leur période d\’orientation, ces enfants ont été autorisés à suivre une formation professionnelle avant d\’être réunis avec leurs familles. Il pourrait servir de modèle au Mali ou au Burkina Faso. Chaînes de restes enterrés dans des fosses communes, recouverts d\’une natte ou d\’un morceau de tissu. Des marchés réduits en cendres, des communautés pillées et désertées avec des impacts de balles et des traces de suie sur leurs murs. Les quelques photographies qui existent des événements sanglants qui se sont déroulés dans la région de Ménaka, dans le nord-est du pays depuis le début du mois de mars, sont horribles. Ils ne transmettent qu\’une poignée d\’informations sur les massacres qui s\’y déroulent. Les Forces armées maliennes (Fama), qui peinent à s\’implanter dans la région depuis le début de la crise, ont mené le 13 mars des frappes aériennes dans la région de Ménaka, leur permettant de \”desserrer l\’étau et de briser l\’élan des groupes terroristes. Selon un communiqué de presse de l\’état-major de l\’armée ; largement insuffisant, rétorque le secrétaire général de Gatia, Fahad ag Almahmoud. Il reproche au gouvernement malien de ne pas avoir publié de communiqué public condamnant le nombre sans précédent de personnes tuées. Des centaines de combattants massacrent des civils et l\’armée malienne fait peu pour les arrêter. Est-ce un manque de sérieux des autorités dans leur lutte contre le terrorisme, ou une intention délibérée de laisser l\’EIGS massacrer les Touaregs ? Plusieurs sources locales accusent l\’armée, qui mène des opérations dans la région avec les mercenaires russes de Wagner, après la découverte d\’au moins 35 corps brûlés près de Dogofry, au sud-ouest de Nampala. Les Fama, en revanche, le nient.

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Les images sont trop difficiles à gérer. Des corps carbonisés et tordus gisaient au milieu de la jungle, leurs poignets parfois liés dans le dos. Un autre corps brûlé seul un peu plus loin sur la route. L\’homme qui filme sur son téléphone parle en fulfulde avant de passer en bambara. Dieu est énorme. Les militaires en sont responsables. C\’est la faute de l\’armée. « Dieu nous voit tous », s\’exclame-t-il, surpris. Le 2 mars, la vidéo aurait été tournée dans la commune de Dogofry, à environ 80 kilomètres au sud-ouest de Nampala. Au total, 35 corps ont été brûlés la nuit précédente. Presque tous ceux qui ont été trouvés étaient des Peuls de la région. Un récent massacre visant ce village a été lié par les Forces armées maliennes (Fama) à des organisations djihadistes opérant dans la région centrale du pays. Alors que les Fama ont été pointés du doigt, d\’autres pensent que leurs nouveaux amis Wagner sont également impliqués dans les atrocités.

Depuis fin janvier, des mercenaires de la nébuleuse russe mènent des opérations coordonnées avec les militaires maliens dans le cercle de Niono, selon nos renseignements. Dans la zone, les Fama sont accompagnés de Russes. On les voit patrouiller ensemble, confirme une source locale. Quelle est la raison du silence des autorités ? Décider sur ce sujet est extrêmement difficile pour le gouvernement. Demander pourquoi ils ne sont pas intervenus s\’ils reconnaissent les massacres, selon Andrew Lebovich, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR) spécialisé dans le Sahel. Malgré cela, le silence de Bamako est fort face à des bilans qui tournent en rond. Les temps de paix relative entre les combats n\’ont guère laissé le temps d\’enterrer les défunts et de déterminer leur nombre depuis près d\’un mois. Selon des sources locales et humanitaires, le bilan oscille entre 300 et 500 personnes, dont la plupart sont des civils, et des décès supplémentaires sont signalés chaque jour. Il s\’agit d\’une attaque à grande échelle qui vise tout le monde, y compris les hommes armés, les personnes âgées et les enfants. Les civils constituent la grande majorité des personnes tuées, déplore Fahad ag Almahmoud. Il est presque impossible de faire un bilan précis, mais de multiples témoignages dressent des bilans de plus de 300 civils morts dans les villages de Tamalat, Inchinane et Anderamboukane, indique le rapport.

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Héni Nsaibia, chercheur au Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled), un groupe qui tient un registre méticuleux des événements de sécurité dans la région, déclare que le nombre de morts continue d\’augmenter, la violence se propageant à 200 kilomètres au nord-ouest et se poursuivant dans la commune de Talataye fin mars. Quelle est la contribution de la nouvelle venue de la France récemment ? Emmanuel Macron a déclaré le 16 septembre qu\’Abou Walid al-Sahraoui, le chef du groupe État islamique au Sahara élargi, qu\’il a fondé en 2015, avait été \”neutralisé\”. Depuis lors, il est l\’un des djihadistes les plus recherchés d\’Afrique de l\’Ouest.

Au Sahel, il était sans doute le chef jihadiste le plus redouté. Depuis qu\’il a formé l\’organisation État islamique au Grand Sahara (EIGS) et en est devenu le chef en 2015, il est devenu l\’homme le plus recherché de la planète. Abou Walid al-Sahraoui a été déclaré « ennemi prioritaire » par Emmanuel Macron en janvier 2020, après avoir été soupçonné d\’être à l\’origine de la majorité des attentats dans la région des « trois frontières », située aux frontières du Mali, du Niger et du Burkina. Faso. La disparition de Saharaoui aura-t-elle un impact sur la sous-région? C\’est une immense réalité, comme veut le qualifier un fin connaisseur des activités jihadistes au Maghreb et au Sahel, qui a rencontré Sahraoui à Gao en 2012. Mais on ne peut pas parler de succès car c\’est loin d\’être la fin du djihadisme. L\’ISWAP a déjà nommé l\’un de ses anciens amis mujao, originaire du Tchad, à la tête de l\’EIGS, selon nos informations. Il est également difficile de quantifier le nombre de combattants touaregs qui sont morts. Moussa ag Acharatoumane, le chef du MSA, a affirmé avoir tué 20 miliciens dans le seul combat de Tamalat, tandis que l\’EIGS a affirmé en avoir tué 111.

Depuis le début de son offensive, le groupe jihadiste a affirmé avoir assassiné 250 combattants touaregs. Plus de 300 jihadistes ont mené l\’assaut, tandis que le MSA, en sous-effectif, en comptait un peu plus d\’une centaine, avec des renforts déployés pour exfiltrer les gens et enterrer les corps, se souvient Héni Nsaibia. Il y a d\’énormes dégâts matériels ainsi que des flux extraordinairement massifs de personnes déplacées, en plus des pertes humaines. Tous les villages ciblés par l\’EIGS ont été pillés, avec tous les magasins, la nourriture et les véhicules saisis ou incendiés. Les habitants ont fui, traumatisés et démunis. Le ministre de la Réconciliation nationale Ismaël Wagué était à Gao pour relancer les pourparlers avec les groupes armés du nord du Mali. Alors que les ex-indépendantistes de l\’Azawad font planer l\’ombre d\’une reprise des armes, ce déplacement a lieu. Des centaines d\’hommes célèbrent alors que des officiers du Mouvement national pour la libération de l\’Azawad (MNLA) traversent les dunes, leurs fusils automatiques pointés vers le ciel depuis l\’arrière de dizaines de camionnettes disposées en arc de cercle. Ces anciens militants séparatistes, signataires de l\’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) au Mali issu du processus d\’Alger en 2015, sont réunis dans la région de Tombouctou lors des meetings régionaux du mouvement les 26 et 27 février 2022, tandis que les drapeaux de l\’Azawad sont en volant.

La France se voit porter une lourde responsabilité dans ces conflits. Les groupes armés se sont rendu compte que la France agissait comme un parapluie sécuritaire, évitant un incident entre eux et les Forces armées maliennes, même s\’ils n\’avaient pas de bonnes relations avec Barkhane (Famas). Personne ne veut être le premier à quitter l\’Accord, mais d\’une part, les organisations armées n\’ont pas un contrôle total sur ses éléments, et d\’autre part, les actions des Famas ne semblent pas toujours être sous l\’autorité du gouvernement. On peut imaginer que tout peut arriver dans cette situation, même sans instruction directe d\’un commandement. Selon le chercheur Adam Sandor, un incident individuel pourrait alors engendrer des combats beaucoup plus importants. Le nombre de personnes déplacées est incroyablement variable et continue de changer, mais c\’est sans précédent. Alors que les attaques se poursuivent, de nouvelles personnes arrivent chaque jour. \”Nous avons déjà recensé 981 foyers à Ménaka et 500 à Inékare\”, indique Franck Vannetelle, responsable pays de l\’organisation non gouvernementale International Rescue Committee (IRC), qui déploie un programme d\’urgence pour les déplacés. Il a exprimé sa profonde inquiétude face au risque encouru par une grande majorité de citoyens à Ménaka, où les services sociaux de base étaient déjà tendus avant la flambée. Chaque jour, nous voyons arriver des femmes, des personnes âgées et des enfants.

Cependant, la nourriture est devenue prohibitive ces derniers mois. C\’est la saison sèche et il n\’y a pas beaucoup d\’eau autour. La vie est déjà difficile ; nous n\’avons pas les moyens d\’accueillir tout le monde, déplore un habitant de Ménaka qui a demandé à rester anonyme. Ceux qui ont refusé de rejoindre Ménaka ont fui vers le Niger, un pays voisin. Comment expliquer l\’ampleur de ces massacres ? Depuis plusieurs années, la zone d\’influence de l\’EIGS, dite zone des « trois frontières » est le théâtre de combats entre jihadistes et anciens rebelles touaregs. La nébuleuse jihadiste, dont les groupes exécutent des attaques violentes dans les trois pays de cet espace transfrontalier, cible régulièrement des civils, comme ce fut le cas en août dernier à Ouattagouna, dans la région de Gao, où près d\’une cinquantaine de personnes ont été tuées dans un assaut jihadiste. Selon de multiples témoignages, l\’assassinat d\’un officier de la MSA le 1er mars aurait été le catalyseur du nouveau cycle de violences. En représailles, les anciens rebelles touaregs auraient interdit l\’accès des jihadistes à Tamalat, les incitants à attaquer la ville. On parlait d\’une trêve officieuse entre le MSA et l\’EIGS, mais elle n\’a pas fait l\’unanimité au sein du MSA, et c\’était déjà précaire.

Par ailleurs, depuis l\’année dernière, l\’EIGS est entraînée dans de nouvelles hostilités avec le JNIM [branche d\’Al-Qaïda], notamment autour de Tessit, et subit une pression intense de la part de Barkhane, décrypte Andrew Lebovich. L\’EIGS a subi de sérieux revers dans le l\’année dernière, et plusieurs de ses officiers supérieurs ont été tués, dont Adnan Abou Walid al-Sahraoui, le chef de l\’EIGS, qui a été tué par les forces françaises en septembre dernier. Selon Héni Nsaibia, l\’EIGS a pour habitude de frapper fort et sans discrimination à cet égard. Pour l\’EIGS, la zone frontalière entre Ménaka et Tahoua est une zone d\’influence et un lieu de rassemblement. Pour assurer la liberté de mouvement et l\’accès aux marchés et aux ressources, l\’organisation veut confirmer et étendre sa domination dans la région. Après avoir obtenu la désignation de \”Sahel Province » par l\’organisation centrale de l\’État islamique, la branche sahélienne envisage désormais d\’exercer un contrôle régional au moment où ses concurrents du JNIM se disputent un morceau de territoire et où les militaires français, qui avaient fait de l\’EIGS leur objectif majeur, se dissolvent.

Eric Kuikende, LEO NJO LEO NEWS

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