La résurrection de l’insurrection de M23, dont les raisons précises sont encore inconnues, soulève de nombreuses inquiétudes quant à l\’état actuel des liens entre la RDC, le Rwanda et l\’Ouganda.
Depuis son avènement à la tête du Pays; Félix Tshisekedi a concentré son attention sur les problèmes liés à la guerre contre les groupes armés dans l\’est de la République démocratique du Congo. Il a commencé par un cadre multilatéral, puis est passé à un projet d\’état-major conjoint en octobre 2019. Cependant, ce plan flou de s\’appuyer sur les militaires du Rwanda, de l\’Ouganda, du Burundi et de la Tanzanie a immédiatement entraîné des tensions entre les trois premières nations, ainsi comme un certain scepticisme dans l\’opinion congolaise. Le contexte politique à Kinshasa a changé depuis deux ans et demi, mais la méfiance demeure : au sein de la population, qui se méfie des pays voisins, accusés aujourd\’hui d\’alimenter l\’insécurité dans les Kivu; et parmi les voisins eux-mêmes, le Rwanda, l\’Ouganda et le Burundi, soupçonnés de soutenir ou de servir de base arrière à des groupes armés opérant dans l\’est du Congo.
Félix Tshisekedi a sans doute souhaité un cadre plus apaisé pour l\’adhésion officielle de son pays à la Communauté de l\’Afrique de l\’Est (EAC). Le président congolais a participé à un sommet virtuel le 29 mars pour soutenir l\’entrée de la RDC. Face à leurs écrans, les chefs d\’Etat ont salué l\’avènement de ce mastodonte démographique dans l\’une des zones les plus intégrées du continent. Mais il y avait un soupçon d\’inquiétude caché au-delà des sourires. L\’admission dans ce bloc régional marque la fin d\’un processus de près de trois ans et la formalisation d\’une politique diplomatique visant les voisins orientaux de la RDC depuis le début du quinquennat de Tshisekedi. Le nouveau président congolais, en poste depuis janvier 2019, s\’est rendu en Ouganda et au Rwanda en mars avant de se rendre en Tanzanie et au Burundi en juin.
Depuis, il a rendu plusieurs fois visite à ses voisins. Cependant, l\’inclusion de la RDC dans l\’EAC se heurte à des difficultés politiques, sécuritaires et économiques. Félix Tshisekedi a rapidement déménagé pour jouer un rôle diplomatique clé dans une région où son prédécesseur, Joseph Kabila, entretenait des relations difficiles avec la plupart de ses voisins, préférant longtemps les pourparlers avec ses alliés au sein de la Communauté de développement de l\’Afrique australe (SADC). Il a tenté une médiation entre le Rwandais Paul Kagame et l\’Ougandais Yoweri Museveni, dont les liens étaient frileux à l\’époque, aux côtés de son homologue angolais Joao Lourenço dès mai 2019. Cette tentative de collaboration a abouti à la signature d\’un accord entre les deux frères adversaires des Grands Lacs en août 2019, mais aucun progrès majeur n\’a été constaté. Car, à près de 2 500 kilomètres de Kinshasa, des combats ont éclaté dans la région de Rutshuru, le long de la frontière commune de la RDC avec l\’Ouganda et le Rwanda.
Des affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et le M23 se déroulent dans cette section du Nord-Kivu depuis dimanche soir. Les insurgés se sont dirigés vers les collines Chanzu et Runyonyi. Le M23 confirme ainsi son retour, remarqué pour la première fois en novembre lorsque des violences ont éclaté dans les mêmes hauts plateaux de Rutshuru. Le M23, qui avait renversé Goma en novembre 2012 avant d\’être défait en 2013, avait vu sa capacité de semer la pagaille drastiquement réduite. Ses combattants avaient pour la plupart cherché la sécurité entre le Rwanda et l\’Ouganda à l\’époque. Certains d\’entre eux avaient pris position dans la région des Virunga en RDC, vraisemblablement vers 2017, sous le commandement de Sultani Makenga, tant du côté de Kigali que de Kinshasa. Cependant, ils sont restés relativement inaperçus jusqu\’à présent. Sultani Makenga et le Mouvement du 23 mars (M23) ont choqué les autorités congolaises en novembre 2012 lorsqu\’ils ont pris la ville de Goma (Est). Kinshasa, soutenue militairement par de nombreux pays d\’Afrique australe, avait ordonné une mobilisation générale contre cet ancien officier devenu le pire adversaire de l\’opinion publique. Le Milicien Makenga s\’est enfui en Ouganda après avoir été vaincu un an plus tard. Il est retourné dans le maquis congolais début 2017 sous sanctions de l\’ONU avec environ 200 hommes, selon des analystes de l\’ONU. Cette tentative échoua lamentablement.
En août dernier, le M23 avait annoncé que si le processus électoral n\’était pas transparent et ouvert à tous les partis, il reprendrait les hostilités. Makenga (44 ans), qui est toujours caché dans le désert, ne peut plus se le permettre à moins d\’une aide extérieure. En conséquence, l\’activité croissante du mouvement au cours des derniers mois a suscité de nombreuses suspicions, notamment sur d\’éventuels soutiens extérieurs. Le 28 mars, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Sylvain Ekenge, a publiquement accusé le Rwanda d\’aider le M23. Il en a demandé confirmation, citant la saisie de deux soldats rwandais accusés pendant les hostilités, l\’adjudant Jean-Pierre Habyarimana et le soldat John Uwajeneza Muhindi. Cette affirmation a été rapidement démentie par le gouverneur de la province de l\’Ouest du Rwanda, ajoutant à l\’hostilité entre Kinshasa et Kigali.
Un Pingpong sans pareil entre les deux voisins ; au milieu d\’une bataille accrue contre le M23, l\’armée congolaise a affirmé avoir appréhendé deux soldats rwandais. Kigali, en revanche, nie tout lien. Quelle est la cause de la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) ? Cette organisation rebelle, écrasée par le gouvernement congolais en 2013, connaît depuis plusieurs mois un inquiétant retour d\’activité au Nord-Kivu, suscitant des soupçons d\’aide étrangère. Plusieurs attaques ont été signalées depuis novembre, mais les tensions ont atteint leur paroxysme le 27 mars lorsque le mouvement et l\’armée congolaise se sont affrontés dans les villages de Chanzu et Runyoni, tous deux dans la région de Rutshuru. Reste à savoir comment va se dérouler cette nouvelle confrontation entre les deux voisins.
Face à face diplomatique à Kinshasa ; le 29 mars, le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a recçu Vincent Karega, l\’ambassadeur du Rwanda en RDC. Mais un membre du premier cercle de Félix Tshisekedi, exprime son mécontentement face à la communication des FARDC. Selon ce proche du pouvoir de Kinshasa, c\’est un scénario embarrassant pour eux et même pour le président. Des sanctions seront imposées, a affirmé la même source. Alors que les combats à Rutshuru se poursuivaient le 29 mars, les FARDC ont confirmé que l\’ex-M23 avait également abattu un hélicoptère de la Monusco effectuant un vol de reconnaissance dans la zone de Chanzu, en attendant une éventuelle sanction. Les deux suspects avaient été arrêtés plusieurs semaines auparavant, selon un rapport rendu dans la capitale rwandaise le 25 février par le général Michel Mandiangu, le commandant du renseignement militaire congolais. Le 1er février, l\’adjudant Habyarimana aurait été arrêté. Une source proche de l\’administration congolaise n\’a pas hésité à citer la \”gêne\” de Félix Tshisekedi à promettre des \”sanctions\” dans les prochains jours.
L\’ambassadeur du Rwanda en RDC, Vincent Karega, a été reçu le 29 mars au ministère des Affaires étrangères et a souligné que le Rwanda n\’assistait pas le M23 « politiquement ou militairement ». Plusieurs responsables congolais refusent d\’exclure la possibilité d\’un soutien rwandais, malgré les démentis de Kigali. Le rapport des renseignements congolais cite également plusieurs officiers rwandais soupçonnés de recruter pour le M23, soulignant l\’importance de l\’implication du Rwanda dans le règlement de la question, notamment par le démantèlement de l\’ex-M23 ; le mouvement a été officiellement dissous en 2013, leur réseau de recrutement et d\’approvisionnement sur le territoire rwandais.
Côté rwandais, on soulignera les déboires des FARDC sur le terrain, l\’ineffectivité de l\’état de siège déclaré à l\’Est en mai dernier, qui a poussé Kinshasa à chercher un bouc émissaire, ainsi que le retard dans le rapatriement des combattants du M23 qui avaient déposé les armes et attendaient au Rwanda. Néanmoins, toute la séquence et les tensions qui en découlent remettent en cause l\’état des relations Kinshasa-Kigali. Félix Tshisekedi a multiplié ses interactions avec Paul Kagame depuis son arrivée au pouvoir. Le Congolais, qui a fait de la coopération sécuritaire avec ses voisins de l\’Est une priorité, s\’est rendu à plusieurs reprises avec son homologue rwandais, permettant l\’émergence d\’une coopération étroite. En juin 2021, les services de renseignement des deux pays ont échangé des informations et divers accords ont été conclus sur le plan économique, notamment dans le domaine de l\’extraction de l\’or.
Un haut responsable Rwandais rassure l’opinion sur la bonne relation entre les deux voisins ; Il n\’y a pas de problèmes entre la RDC et le Rwanda, selon le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta. Des individus, qu\’ils soient politiciens, ecclésiastiques ou membres de la société civile, parlent d’un projet de balkanisation de la RDC au Rwanda. Mais cela n\’existe tout simplement pas. Ce différend n\’atteint pas les niveaux les plus élevés des deux États. La médiation a abouti à un protocole d\’accord entre les sommets quadripartites Angola, RDC, Rwanda et Ouganda, qui sera mis en œuvre. Le 14 février, la commission ad hoc chargée de sa mise en place s’est réunie à Kigali. Ensuite, une évaluation suivra pour constater si l\’Ouganda a pris les précautions appropriées. Les arrestations illégales, les détentions et même la torture de Rwandais par des responsables ougandais sont une source majeure de préoccupation pour les autorités Rwandaises. Le souhait est de voir les citoyens Rwandais autorisés à voyager librement en Ouganda sans crainte d\’être arrêtés. La collaboration semble avoir progressé encore plus loin.
L’opération conjointe RDC-Ouganda fait-elle peur au Rwanda ? Le rapport du général Mandiangu, donné lors d\’une conférence conjointe, fournit ainsi des précisions importantes sur la collaboration des deux armées contre les milices amies du Rwanda en RDC. Accusé à plusieurs reprises par la société civile, des hommes politiques et un groupe d\’experts de l\’ONU sur le Congo d\’avoir mené plusieurs opérations sur le territoire congolais, le groupe d\’experts de l\’ONU sur le Congo a publié un rapport. Kigali a toujours nié tout rôle dans le conflit. Selon le rapport, la direction des Forces Démocratiques de Libérations du Rwanda a été décapitée avec le soutien des composantes des RDF [Rwanda Defence Force] depuis septembre 2019, citant les cas de Sylvestre Mudacumura et Juvenal Musabimana, alias Jean Michel. Cette bonne amitié, cependant, semble s\’être érodée récemment. Le président ougandais entretient des relations difficiles depuis le président rwandais Juvénal Habyarimana, qu\’il connaît depuis les années 1980.
Depuis des années, les deux hommes s\’accusent mutuellement de vouloir déstabiliser la situation, et leur frontière commune, fermée depuis trois ans, n\’a été rouverte qu\’en février dernier grâce à une médiation parrainée par le fils de Museveni, Muhoozi Kainerugaba. Dans le même temps, les relations de Museveni avec Tshisekedi se sont considérablement renforcées. Elle a entamé en juin 2021 des travaux de rénovation de nombreux tronçons de routes reliant des villes importantes de l\’est du Congo à l\’Ouganda. L\’un des plus importants est la route de Goma à Bunagana, qui permet de contourner le Rwanda. Surtout, Museveni a obtenu l\’aval de Tshisekedi pour une action conjointe contre les Forces démocratiques alliées (ADF), qui sévissent au Nord-Kivu et en Ituri, après des mois de plaidoyer. Le Rwanda semble avoir été irrité d\’avoir été ignoré tout au long des préparatifs de l\’Ouganda pour une intervention en RDC, un territoire qui est essentiel aux intérêts de sécurité du Rwanda. Paul Kagame l\’a souligné lors de son entretien avec le journal Jeune Afrique en janvier dernier.
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