Macron, Zemmour, Mélenchon, Qui les électeurs africains soutiennent-ils ?
Les Africains focalisent leur attention à deux semaines du premier tour sur les candidats soutenus par des immigrés français d\’Afrique du Nord et d\’Afrique subsaharienne. Les résultats du sondage Ifop-JA sur les électeurs afro-américains parlent d\’eux-mêmes.
À l\’approche du premier tour de l\’élection présidentielle française, le président sortant Emmanuel Macron est clairement favori dans tous les sondages, et la situation en Ukraine n\’a fait qu\’ajouter à sa domination. Une réplique du scrutin de 2017 semble se dessiner pour le second tour, Marine Le Pen se distinguant clairement de ses principaux rivaux : la droite républicaine Valérie Pécresse, l\’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon et le polémiste xénophobe Éric Zemmour.
Nos confrères de Jeune Afrique ont voulu savoir comment les électeurs français issus de familles maghrébines ou subsahariennes trouvent leur place et leur rôle dans le grand exercice démocratique de l\’élection d\’un nouveau chef de l\’Etat, comme ils l\’ont fait en 2007. Ce qu\’ils disent en réponse aux discours rauques des deux éminents candidats d\’extrême droite, qui continuent de porter de fortes accusations à leur encontre. Comment ils sont dispersés dans une scène politique en France où les grands partis anciens, de gauche comme de droite, ont confirmé leur disparition.
Quand on regarde les intentions de vote des Français d\’ascendance africaine à l\’élection présidentielle des 10 et 24 avril, la première impression est qu\’il y a un clivage important entre eux et le reste de la population. En ce moment, on fait tous les jours des sondages présidentiels, explique Frédéric Dabi, directeur du centre d\’opinion de l\’Ifop, qui a réalisé ce sondage pour Jeune Afrique.
Ayant parlé avec des cadres, des jeunes, des aînés, des personnes LGBT, etc. Aucune autre catégorie n\’a un tel écart avec la moyenne de l\’électorat. Le sondeur souligne également la cohérence très évidente des opinions exprimées. En 2007, l\’Ifop a interrogé les électeurs afro-Français pour JA, et ils ont choisi la socialiste Ségolène Royal (57 % des intentions de vote au premier tour), largement devant tous ses adversaires, y compris l\’éventuel vainqueur, Nicolas Sarkozy. En 2022, le schéma est similaire, quoique dans une moindre mesure : avec 36 % d\’intentions de vote, Jean-Luc Mélenchon, le candidat de gauche le mieux placé dans les sondages (mais avec un score oscillant entre 11 et 12 %), se démarque. Le président sortant Emmanuel Macron est loin devant le favori dans les sondages (27%). Le reste, ils sont tous en dessous de 10 %. La France diverse est définitivement de gauche ; l\’hypocrisie française sur la diversité (5/7). Les principales écoles françaises, accusées de reproduire les inégalités sociales, tentent depuis des années de s\’ouvrir à la diversité.
Cependant, beaucoup reste à faire pour briser le plafond de verre. Contrairement aux rêves de la nouvelle doxa populiste, non seulement la proportion de citoyens issus de l\’immigration dans la population française est faible, mais leur représentation ne reflète pas non plus leur poids réel. Rarement une campagne électorale aura offert une telle tribune et un foyer pour l\’extrême droite et les militants xénophobes. A quelques semaines de la prochaine élection présidentielle, et en pleine polémique écœurante sur le \”grand remplaçant\” du populiste Éric Zemmour ou sur la \”poussée migratoire\” de sa camarade Marine Le Pen, la question de la diversité de la société française inquiète. Même si le vote des Français d\’ascendance africaine, la fameuse diaspora d\’Emmanuel Macron sur laquelle il espère s\’appuyer et qui devrait pourtant représenter un véritable enjeu électoral car elle représente environ 5 millions d\’électeurs potentiels, ne semble pas intéresser les candidats, à l\’exception du président et de son adversaire d\’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon.
Il se confirme, comme en 2007, que ce groupe démographique a un biais gauchiste, estime Frédéric Dabi. Si l\’on additionne tous les candidats de ce côté-ci, on obtient un total de 47 %. La diversité en France ; « la France de la diversité » penche clairement à gauche », et que cette inclination s\’explique par l\’influence du milieu, qui devrait s\’estomper avec l\’intégration sociale et notamment la mobilité sociale, par la ferveur religieuse. N\’en déplaise au populiste cassandre, mais la France a une chance avec la diversité.
C\’est une chose de mesurer l\’actualité de la variété française ; c\’en est une autre de s\’intéresser à sa perception, sa représentativité et son « statut » au sein de la société. A cet égard, le constat fait par l\’ancien secrétaire d\’Etat de François Mitterrand, Kofi Yamgnane, et la ministre d\’Emmanuel Macron, Elisabeth Moreno, dans le passionnant entretien croisé que, ils confrontent leurs expériences sur trente ans, est clair : la représentativité de la France personnes d\’autres pays, notamment d\’Afrique, ne correspond pas à leur véritable poids. Bien sûr, la classe politique et la haute fonction publique, et c\’est sans doute la plus lamentable, mais aussi dans la justice, la police, les écoles renommées, les collèges et le monde des affaires.
Même si l\’Ifop n\’a pas fait de distinction entre les Maghrébins (majoritaires) et les Subsahariens dans son échantillon cette année, des éléments d\’information existent qui mettent en évidence certaines distinctions. Les électeurs issus de familles maghrébines sont ainsi, en moyenne, plus à gauche que le grand public, avec 38 % d\’intentions de voter pour Jean-Luc Mélenchon, contre 36 % pour l\’ensemble du panel. Les Subsahariens, en revanche, semblent moins hostiles à Valérie Pécresse (13 % des voix), bien que la taille de l\’échantillon semble trop petite pour tirer des conclusions définitives.
Les choses sont bien sûr en train de changer et des progrès ont été réalisés. Mais à la vitesse d\’escargot d’un tortu luth… C\’est sans conteste la source la plus préoccupante : comment les dirigeants politiques et économiques français peuvent-ils s\’adresser efficacement à une population qui ne se sent pas représentée et qui dispose d\’une pléthore d\’élites modèles ? se comparer ? N\’insulte pas le populiste Cassandre, mais la variété est un puissant catalyseur d\’énergie, de talent et de créativité pour la France. A condition que le plafond de verre soit brisé et qu\’une grande partie de la population qui souhaite contribuer à l\’avenir du pays ne soit pas en reste. C\’est un sujet récurrent des campagnes électorales françaises.
Tous les prétendants à la magistrature suprême se jettent dessus, souvent dans un déluge de questions sur l\’identité, la place de l\’islam, l\’intégration, l\’assimilation… Des amalgames à la fois bizarres et meurtriers. Marine Le Pen, Éric Zemmour notamment, mais aussi Éric Ciotti, candidat raté à la primaire du parti Les Républicains, et son adversaire, Valérie Pécresse, actuellement candidate à la présidence en avril… Depuis septembre, quand la pré-campagne a commencé, tout le monde a beaucoup parlé d\’immigration. A vrai dire, le sujet est depuis longtemps au centre de la vie politique française. Fini le temps où Bernard Stasi, proche confident de Jacques Chirac, publiait l\’immigration comme une possibilité pour la France.
Jean-Marie Le Pen, candidat d\’extrême droite en 2002, est arrivé au second tour en concentrant son discours sur l\’immigration. La question s\’est progressivement développée sur la droite républicaine, et le moment n\’est plus où Bernard Stasi, proche confident de Chirac, pourrait publier Immigration, une chance pour la France. Nicolas Sarkozy a été réélu en 2007 en mettant l\’accent sur l\’immigration comme priorité absolue.
Selon les sondages, si l\’on additionne les votes de l\’extrême droite et les votes de la droite traditionnelle, le score global de l\’ensemble des candidats au présidentiel est proche de 60 %. Ils ont fait de l\’immigration un élément central de leur programme. Du coup, il faut affronter une réalité sociale, et personne, ou presque, ne semble avoir la confiance nécessaire pour le faire. Nous devrions continuer à nous demander pourquoi les immigrants abandonnent leur patrie. On ne se pose pas assez de questions sur le fonctionnement des systèmes politiques et économiques des pays d\’où viennent les immigrés.
Mais comment imaginer la politique d\’un pays d\’accueil sans cela ? Comment définir les relations, les possibilités d\’investissement et d\’aide vis-à-vis des pays du Sud pour mieux gérer la situation ? Reste qu\’il est difficile de dire à quel point la question de l\’immigration, et, de plus en plus, la place de l\’islam aux États-Unis, jouera un rôle dans l\’élection d\’un candidat à la présidentielle. C\’est le cas, et cela continuera d\’être discuté dans les mois à venir. Rien d\’autre ne peut être garanti. La formidable polarisation de la population sondée interroge également : personne ne passe près d\’atteindre la barre des 10 % d\’intentions de vote derrière le duo de tête, composé du candidat de gauche le plus populaire et du président sortant. Les candidats de ce qu\’on appelait encore il y a cinq ans les \”partis établis\” Les Républicains et le Parti socialiste ont tous deux de faibles notes. Résultat, la socialiste Anne Hidalgo ne recueille que 10 % des suffrages, se déclarant fidèle au parti qu\’elle représente, et 4 % de ceux qui ont voté pour son prédécesseur, Benoît Hamon, en 2017. La grande majorité des anciens électeurs PS ont afflué aux camps Macron et Mélenchon en nombre à peu près similaire. Macron s\’adresse en particulier aux électeurs afro-Français âgés.
Macron, l\’option sécuritaire est en deuxième position, le président sortant, qui n\’a annoncé que récemment son souhait de briguer un second mandat, même si personne n\’en doutait, a été bien accueilli par les électeurs afro-Français. Avec 27 % des électeurs ayant l\’intention de voter au premier tour, il est proche des résultats rapportés dans les sondages auprès de la population générale, qui le placent à 29 % contre 30 %.
Il est au coude à coude avec Jean-Luc Mélenchon au second tour, mais écrase Marine Le Pen dans le scénario improbable qu\’elle soit à nouveau son adversaire : 73 % contre 27 %. Un écart bien plus important qu\’en 2017, lorsque le très jeune ex-ministre de François Hollande avait triomphé avec 66,1 % des voix contre 33,9 % pour le chef du Front national. Il est encore plus difficile de comprendre les propos caricaturaux d\’Éric Zemmour sur le \”grand remplacement\” ou les musulmans qui seraient tous des islamistes cherchant à imposer la charia ne le disqualifient pas automatiquement de l\’immigration maghrébine et subsaharienne aux yeux de l\’électorat.
Tanguy David, l\’étudiant noir souvent élevé pendant la Reconquête ! Des meetings de candidats, a fini par jeter l\’éponge, dénonçant les attentats dont il avait été victime, y compris dans son propre camp, à la mi-mars. \”Moi aussi, j\’ai été l\’objet de commentaires racistes et de propos dégoûtants de la part des partisans de la Reconquête à cause de ma couleur de peau !\” va-t-il déploré sur les réseaux sociaux, révélant son ralliement aux républicains et sa volonté de porter plainte. Au-delà de la préférence des candidats, l\’environnement tendu de la campagne électorale, ainsi que les événements mondiaux, semblent se refléter dans le taux d\’abstention et le niveau de doute chez certains électeurs. L\’Ifop a interrogé 45% de ceux qui ne se disent \”pas sûrs\” de voter le 10 avril et 31% de ceux qui se disaient \”pas sûrs\” de leur choix. Les chômeurs (57 %), les personnes peu ou pas scolarisées (61 %) et les personnes sans affiliation partisane (61 %) ont tous un niveau élevé de scepticisme (60 %).
\”Nous sommes près de la moitié des sondés à envisager de s\’abstenir\”, assure Frédéric Dabi. Cela en dit long sur le mécontentement, la notion d\’une certaine vanité du vote dans les circonstances, peut-être même une mélancolie. Le succès relatif des candidats d\’extrême droite dans les sondages, la présence de thématiques très identitaires dans les débats des primaires de droite et les affrontements à gauche entre une tendance très critique envers les musulmans au nom de la laïcité et une autre plus encline aux partisans du vivre ensemble, accusés par certains de céder à la \”menace\” djihadiste, ont tous insufflé l\’ambiance. « Voter reste l\’acte politique essentiel par excellence en démocratie », écrivent les chercheurs Patrick Simon et Vincent Tiberj dans leur article « Trajectoires et Origines », et l\’inscription sur les listes électorales est un signe fort d\’intégration pour les Français d\’origine étrangère. On pensait souvent que les immigrants naturalisés étaient deux fois plus susceptibles que la population générale d\’être inscrits sur ces listes.
Cependant, au cours des deux dernières décennies, cette tendance s\’est inversée et le taux de participation aux élections des citoyens issus de ménages immigrés est désormais plus proche de la moyenne nationale. Une tendance qui va de pair avec le fait que, dans ces familles, le sentiment d\’être français est généralement extrêmement fort à partir de la deuxième génération et tend à se renforcer avec le temps, même si la perception de ne pas appartenir à une proportion complète de la population demeure. Le vote signifie son acceptation dans la communauté nationale et son engagement envers ses principes. Des interrogations surgissent lorsque les idéaux en question paraissent remis en cause, notamment lorsque certains prétendants à la magistrature suprême attaquent l\’idée d\’intégration dans leurs réunions. Ils expliquent très probablement certaines des conclusions de l\’enquête.
Eric Kuikende, LEO NJO LEO NEWS